Au commencement était The Conservative Mind de Russell Kirk. Paru en 1953, ce livre iconoclaste joua un rôle déterminant dans la formation des différentes composantes du « nouveau conservatisme américain ». C’est sur cette base et la solide culture politique qu’il possède (mais pas seulement, puisque sont évoqués aussi des aspects proprement sociologiques et « contre-culturels » de cette Amérique d’après-guerre bousculée dans ses certitudes) que Nicolas Kessler s’est intéressé à l’évolution de cette « école de pensée » méconnue en France (car trop souvent assimilée aux théories ultra-libérales ou à la droite populiste). Passant en revue les figures intellectuelles qui marquèrent l’histoire des idées, il s’attache à saisir tant leur originalité que la diffusion de leur pensée. Relevant que « la tendance naturelle des sociétés capitalistes (est de) mépriser des valeurs et les institutions auxquelles elle devait sa stabilité », il restitue le bien-fondé des théories de ces hommes plus attachés aux corps intermédiaires qu’au libre arbitre. Ceux-ci constituant l’une des plus fortes manifestations d’opposition au libéralisme, mais aussi une résistance effective au nouvel ordre mondial imposé (du village global au politiquement correct).
Last but not least, par son style alerte et précis, l’auteur nous plonge dans cette histoire comme dans un film noir. Car celle-ci contient son lot d’intrigues, de renversements d’alliances, et de dissensions, voire de ruptures. Toutes choses faisant de cet ouvrage une référence incontournable sur le sujet.