Nathaniel Hawthorne (1804-1864), quoique peu connu sous nos latitudes, reste l’un des premiers grands écrivains américains (et, par ailleurs, le dédicataire du Moby Dick de Melville). Sa biographie laisse présumer de la particularité de son écriture : né dans une maison « hantée », cet adolescent magnifique, héritier du puritanisme anglo-saxon, se tiendra reclus une douzaine d’années avant de renouer avec le monde par l’intermédiaire de son amour, Sophie Peabody. Son style et ses thèmes seront ceux d’un solitaire, un emmuré à l’imagination malade, obsédé par le Mal et la perversité, sur fond d’égocentrisme esthète. De quoi faire de lui un décadent avant l’heure.

Ce recueil comporte trois nouvelles d’une facture tout à fait similaire : des spéculations d’imaginaire pur, des floraisons littéraires qu’on dirait cultivées sous serre et qui donnent lieu à des fables burlesques et un rien métaphysique. Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, « Le Hall de l’imagination », le narrateur visite une construction féerique qui « occupe dans le monde de l’imagination la même place que la Bourse de Paris, le Rialto et la place de Londres dans celui du commerce ». Dans ses innombrables salles se rencontrent poètes, inventeurs, utopistes et mystiques. L’exploration du lieu est le prétexte d’un débat néo-platonicien sur l’Idée et le réel, assez convenu bien qu’amené d’une manière on ne peut plus originale. La deuxième suivante, « Une soirée select », propose un autre « non-lieu » poétique : le Château des airs, nuage solide doré aux rayons solaires dont le maître accueille des invités de marque pour une soirée cacophonique. Arrivent ainsi le Plus Vieil Habitant de la Terre, l’Acteur des Impossibilités Avérées, le Représentant de la Postérité ou encore la Belle sans rivale. Par ce jeu d’abstractions personnifiées, Hawthorne crée une ambiance absurde très réjouissante. Dans « La Correspondance de P. », enfin, un épistolier dérangé relate ses rencontres avec un certain nombre de personnalités célèbres qu’il aurait vues vivantes et dont il décrit l’évolution pathétique ou grotesque : Lord Byron, dépeint en obèse ultraconservateur, ne comprend plus un vers à ses œuvres ; Shelley a retrouvé l’Eglise anglicane ; quant à Napoléon, il erre dans Londres, ridicule, timoré et ignoré de tous. En revanche, d’après le rédacteur, Dickens est mort avant d’avoir fait son oeuvre…

Chaque nouvelle répond aux mêmes principes : un concept issu d’un jeu de l’imagination complètement libre offre une perspective délirante que l’auteur déploie ensuite dans une succession de tableaux ou de personnages. C’est intéressant, surprenant et singulier, mais ça a parfois tendance à trop tenir de la « recette » ; une fois l’idée de la nouvelle installée, il faut bien reconnaître que son développement se révèle poussif. Le recueil demeure un morceau littéraire original et charmant mais, comparé (dans un genre comparable) à l’œuvre géniale de son compatriote et contemporain Edgar Poe, il ne dépasse pas le statut de détail excitant de la littérature du XIXe siècle.