La grande famille « Rebel Ink. » continue de s’étendre : c’est du Pays de Galles que nous vient John Williams, nouveau cousin d’Irvine Welsh, arrivé à la littérature après quelques années de travaux journalistiques et un passage dans l’industrie du disque de Londres à Paris. A quarante ans tout juste, on l’aura donc connu chroniqueur des affaires criminelles pour le Mail on Sunday, nouvelliste pour l’Independant et grand voyageur pour le Sunday Times : un parcours pré-littéraire qui résume finalement assez bien l’univers louche et hilarant de ces huit nouvelles entremêlées dans lesquelles, en suivant les aventures (légales ou non) d’une bande de héros charismatiques, il donne un inimitable tableau du Cardiff underground. Entre l’anti-guide touristique et la comédie noire, ce recueil nous entraîne loin des beaux quartiers et du centre historique, là où la vie crépite aux marges de la clandestinité, où se croisent bookmakers et prostituées, où les bandes étendent leur empire et où des truands sympathiques édifient d’aberrants projets en engloutissant leurs pintes au pub du coin. D’autres auraient joué la carte du noir d’encre et du docu-drama en caméra épaule : John Williams, lui, choisit la voie de la comédie, de l’excès et de l’explosion de couleurs. S’il cède parfois aux facilités du glauque et du malaise, c’est pour mieux retrouver ses habits de conteur ensuite et embarquer dans d’invraisemblables histoires de radios pirates et de mosquées new-look, de pronostics magiques et d’attentats foireux.

Patrons de boîte ou trafiquants à la petite semaine, anars repentis ou combinards astucieux, sa galerie de portraits vaut le détour : sur une bande-son sélectionnée par un vieil enfant du rock aux amours soul (de Curtis Mayfield à Bruce Springsteen en passant par Dinah Washington et Elmore James), il nous offre Butetown (la banlieue de Cardiff où tout se passe) sur un plateau, nuit sur les docks et embrouilles quotidiennes comprises. Dans une langue sans fioritures pour le moins adaptée au paysage, il réussit ce que tant d’écrivains ne savent plus faire aujourd’hui : raconter des histoires. Même si l’influence visible de l’auteur de Trainspotting (mais aussi celle, incontestable, d’un Nick Hornby) prive encore son monde d’une réelle patte personnelle, la fraîcheur, l’humour et le punch électrique de ces huit fables galloises aux parfums illicites et au léger accent caraïbe suffisent à donner au percutant John Williams son ticket d’entrée pour le haut du panier de la jeune littérature britannique.