On a beau se dire qu’il ne faut pas chercher dans les poèmes de Harrison ce qu’on trouve dans ses romans, qu’il faut laisser à sa poésie le droit de s’épanouir dans d’autres espaces, qu’il faut la prendre pour elle et pour elle seule, on est déçu par la lecture de ces inédits. Bien sûr, on est parfois emporté dans l’univers montagneux et méditatif de ces poèmes (« Au bord du lac aux premiers rayons de lune j’aperçois / plumes, pierres, espars polis et algues. / Les coyotes, les corbeaux ont presque nettoyé / la biche rejetée sur le rivage avant-hier par les / Manitous. / Un coup de canne dans la tête d’eau de lune, puis je / m’excuse. »), on est parfois saisi par les formules ramassées (« Ce serait tellement dur pour les gens / si tous les décès d’une année / devaient survenir le même jour. »), mais l’ensemble ne prend pas. L’inspiration zen des 55 premiers poèmes manque d’ampleur. Si c’est volontairement qu’elle oscille entre lieu commun et rabaissement (« La fille a de belles fesses comme l’ours danseur du / Peacok. »), le procédé fatigue par son systématisme. La rêverie et la réflexion cherchent des failles où s’engouffrer, mais c’est vainement qu’elles glissent d’une page à l’autre. On se dit que c’est inhérent à toute poésie traduite et, de fait, la consultation des poèmes en langue originale à la fin du volume offre quelques prises. Mais ça ne suffit pas. Les textes continuent de fuir. En fermant le livre, on a du mal à considérer tout cela autrement que comme un hobbie, l’excroissance bénigne mais sans grand intérêt d’une formidable œuvre romanesque.