Le XVIIIe siècle, et ce n’est pas un concept d’écolier, est un véritable soleil dans le passé de la France. Ecrire sur Bernis, c’était forcément s’engager à rendre le merveilleux rayonnement d’une période d’effervescence où tout va vite, les carrosses dans Paris comme les intrigues, et les intrigues comme les carrières politiques. Il n’est pas possible, lorsqu’on est avide de pouvoir et de réussite, de ne pas développer deux aspects de sa vie. Le jeune abbé de Bernis n’échappe pas à la règle. Très vite il apprend à dissimuler. C’est à ce prix que sa carrière est possible. Du coup, il y a le Bernis que l’on connaît, celui des mémoires, celui que tout le monde a vu grâce à ses coups d’éclat et ses tours de force diplomatiques, et il y a l’autre Bernis : le libertin. Cette part privée du personnage, celle beaucoup plus obscure et secrète où se profile l’aventurier tel que l’a connu Giacomo Casanova se résume à quelques traces incertaines, précautionneusement effacées. Tout ce qui pouvait nuire à sa carrière a été habilement dissimulé. Le Cardinal des plaisirs est une énigme. Le XVIIIe est le siècle de la parade et de la dissimulation. Plus les personnages sont importants, plus discret se fait leur libertinage.
Jean-Marie Rouart s’est attaché à nous rendre ce personnage. Un nouveau Bernis, opposé au Bernis officiel des mémoires. La tâche était difficile. Jean-Marie Rouart rend parfaitement le maelström politique qui a entraîné le cardinal, mais c’est au détriment de l’autre Bernis, celui qu’on aurait aimé connaître plus profondément : Bernis le sceptique. Le cardinal des plaisirs, celui-là même qui accompagnait Casanova dans ses débauches vénitiennes, reste dans l’ombre. Bien que souvent évoquée, d’une manière anecdotique, la « politique libertine » du XVIIIe n’est pas le substrat de ce livre. Le canevas politique exposé n’en est pas moins passionnant.