Pour son premier long métrage, Emanuele Crialese tente d’évoquer les problèmes d’adaptation des immigrés clandestins à New York. « Tenter » est bien le mot pour définir la démarche de ce jeune réalisateur, dont le film présente plus de maladresses que de qualités. Manquant cruellement de rythme, le film hésite entre la comédie burlesque, la comédie romantique, et la comédie de mœurs, ce qui se traduit par un film « timoré », qui ne développe jamais ce qu’il amorce. Cette hésitation entre différents genres est le reflet d’un scénario lui-même pluri- directionnel. On suit dans leur vie quotidienne Vincenzo et Apu, deux immigrés clandestins respectivement italien et hindou, au moment où chacun entame une histoire d’amour. Pour Vincenzo, ce sera la romance compliquée avec une Américaine qui, hélas, est sur le point de partir à Paris pour deux ans ; l’enjeu étant de savoir si elle restera ou non. Apu, quant à lui, est confronté à l’arrivée d’Inde de sa promise, qu’il n’a pas vue depuis l’âge de 6 ans, et avec qui il doit se marier le jour même. Cette situation donnant lieu, comme on s’y attend, à une énième évocation du choc entre deux cultures.

De plus, le film tombe dans le piège qu’il se promettait d’éviter, les clichés : le personnage d’Antonio est ainsi traité sous la forme du portrait type de l’Italien, beau gosse et beau parleur, étalon gigolo pour une pseudo artiste contemporaine, fin cuisinier refusant de mettre de l’ail dans la Carbonara. Plutôt regrettable de la part d’un réalisateur, lui-même italien ! Malgré tout, le film propose une vision de New York assez réussie, notamment par le choix de certains décors (des plans sur des façades de bureaux qui rappellent ceux de Lodge Kerrigan dans Claire Dolan), et par la crudité avec laquelle les relations humaines sont filmées. L’agressivité est omniprésente, qu’elle soit affichée ou bien masquée par de l’indifférence ostentatoire. Sans en faire des tonnes, le réalisateur sait filmer la petite violence (comme on parle de petite délinquance) du quotidien, moins évidente et plus mesquine. Malheureusement, ces incursions très lucides sont noyées dans le vague d’un film brouillon, dont on n’arrive pas, au final, à saisir le propos. A vouloir trop dire, Emanuele Crialese se perd, perd le fil de son film, et nous perd par la même occasion.