Une touche de souvenirs, un rien de nostalgie et une histoire vraie se sont emparés de la plume de Jean-Luc Coatalem. Il est dit, dans la postface du fils du fakir, que l’histoire est librement inspirée du fakir Ben Ghou Rey (1931-1990), alias Léon Goubet, artiste français qui s’installa avec son épouse et son fils Jean-Luc (encore un), dit Lucas, dans le Paraguay des années 80, afin de « goûter une retraite bien méritée ». Le fakir imaginé par Coatalem, Arturo Solidor, alias Gibert Guénec, arrivé à la croisée de deux âges, est animé du même besoin d’évasion. Il transmet à son fils, Paille, cette âme des derniers aventuriers des temps modernes. San Theodoro, terre de rêves les plus fous, coincée entre le Brésil et l’Argentine, devient le creuset de leurs ambitions d’hommes libres.

Et puis, il y a les autres, modérément idéalistes, modérément rêveurs, qui s’engagent dans la même aventure avec un enthousiasme suspect. L’euphorie des premiers pas se change peu à peu en un chemin de désolation. Le fakir « retraité » doit à nouveau donner de sa personne pour y croire encore… et vaincre une peur désormais incontrôlable pour les lames et autres instruments de torture dignes de rivaliser avec l’hypnose de ces professionnels de la douleur, comme un dompteur qui retrouve ses fauves après des années et qui doit les défier sans que son appréhension transparaisse.
L’histoire émouvante et tragique d’un père et de son fils est teintée de drames individuels. Il y a ceux qui se battent, ceux qui abandonnent la partie lorsqu’elle les dépasse, ceux qui s’acharnent sur des proies agonisantes, parce qu’ils n’ont rien d’autre à se mettre sous la dent. Dans une nature hostile, dans un contexte saturé de tous les vices d’un peuple dégénéré, deux héros à l’âme pure et parfois candide, nous racontent une tragédie humaine teintée d’une poésie désespérée.