Quelque part, près de Vukovar. Nico, au volant de sa voiture rouge cerise, atterrit dans un village en ruine. Il est français et ne connaît de ce pays que ce que son ex-compagne, restée à Paris, lui en a dit. Entre deux bombardements il tente d’apprivoiser cette terre désolée. Egaré sur une route de campagne, il rencontre Josué, un garçon de son âge, agonisant, blessé mortellement par la milice. Il recueille ses dernières paroles, ses derniers souvenirs… Ses pensées vont à Sienna, son ex-petite amie, à ses amis, et en particulier à Nadi, ancien footballeur, comme lui. Nico décide de se lancer à leur recherche. Une première piste le mène à Vikoti Mara, dans le bar que tient Sienna. Très vite, il tombe amoureux de cette femme et très vite il se sait  » amoureux, mais pas encore malheureux « . A l’évocation de Nadi, elle se propose d’accompagner Nico pour le retrouver. Elle ne sait pas encore ce qui est arrivé à Josué, elle ne cherche pas à le découvrir trop vite et lui remet cet aveu à plus tard, comme s’il risquait de marquer la fin de leur complicité. Nico et Sienna sont amoureux de la vitesse, et défient les épouvantails en loques qui peuplent la campagne, alternent chocolat rance, betteraves au fromage frit et cigarettes de Virginie. Un jeu de questions-réponses finit par s’installer ; ils apprennent peu à peu à se connaître au rythme des agglomérations qu’ils sont forcés de contourner.

Roman de l’attente, La Guerre au bord du fleuve est un récit subtil : la menace y est omniprésente et la fascination d’un homme pour d’un côté un pays et de l’autre une femme est à la fois touchante et palpable. Jean Hatzfeld réussit à montrer les ravages de la guerre sous un autre jour. Il saisit les stigmates de l’usure, la lente désagrégation d’une population obligée d’opter pour la dureté, seulement pour se protéger. Sa prose est à la fois poétique et efficace.  » La guerre, c’est plus sale que le mauvais temps « , lance une paysanne. Au bord du fleuve, des objets échouent. Des lettres d’une mère à son fils, livrées aux caprices des courants, qui ne trouveront jamais leur destinataire. Des armoires à glace qui ne reflètent plus que des animaux crevés ou pire encore… des multitudes d’histoires qui se croisent et s’entrechoquent. « Paysage après la bataille, ou plutôt entre deux batailles », Jean Hatzfeld parvient à dépeindre avec des mots justes, contenus et simplicité une guerre au quotidien, avec ses « blancs » et ses mauvais coups du sort qui frappent au hasard.