Cinquième roman de James Gressier en trente ans, Le retour du chasseur met en parallèle deux époques – autant dire deux mondes : notre présent, censément civilisé et pacifié, et un lointain et barbare passé, au déclin de l’empire gallo-romain. Le premier voit vivre Gilbert Malétrain, jeune professeur d’histoire travaillant à l’écriture d’un roman historique se déroulant, bien sûr, à l’âge du second. Alors que Malétrain s’éprend d’une de ses élèves, la turbulente et volage Frédérique, on suit l’ascension, quelques siècles plus tôt au même endroit, de Frédégonde, putain ambitieuse que se disputent les fils de Clovis.
C’est l’heure du passage à l’an 2000 : la fête, en quelques pages, va dégénérer en une gigantesque émeute, puis en guerre civile et enfin en un chaos indescriptible – une sorte d’Apocalypse ? – entretenu par des bandes de motards sanguinaires à la botte de quelque gourou illuminé…
L’histoire, facétieuse, défait hardiment ce qu’elle a mis des siècles à construire, et, en quelques semaines de désordre, ramène nos contemporains et leur paix artificielle (on notera l’audace de l’auteur : publier un roman d’anticipation dont l’avance se réduit à moins d’un an…) aux peurs, aux fantasmes et aux angoisses du peuple de Frédégonde.
Texte fort et fascinant, suggestif plus que descriptif, Le Retour du chasseur est écrit d’une plume précieuse qui confère une beauté rare aux paragraphes historiques ; la langue subtile de Gressier nécessite une attention soutenue. Sans posséder l’aspect oppressant et hyper-réaliste de certains romans du même genre, Le retour du chasseur est néanmoins un tableau saisissant d’un univers et d’un ordre en déchirement, en même temps qu’il esquisse de façon malicieuse et cynique le chemin circulaire d’une Histoire des hommes vouée à la barbarie et qui ne fait que se répéter.