Sans prétention, n’ayant pour autre ambition que de confesser en 60/70 feuillets réglementaires son amour pour un groupe, un artiste ou une mouvance musicale, la collection Librio-Musique s’installe paisiblement dans le paysage toujours aussi peu aguichant et peu fourni (songeons un instant au nombre incroyable de livres paraissant en Angleterre sur les groupes contemporains) des publications consacrées à la zique. A défaut d’aller chercher les perles rares ou de dégotter quelques artistes obscurs, cette collection s’intéresse pour une bonne part aux grosses cylindrées. Les Beatles, à ma connaissance, rentrent dans cette catégorie. Ce n’est pas un mal. Car ce titre a été confié à une plume élégante, celle de François Ducray. L’homme maîtrise son sujet, c’est incontestable (l’histoire des Fab Four a été maintes fois rabâchée). Et l’on retrouve ici à peu près toutes les informations importantes au sujet de John, Paul, George et Ringo… et les oubliés de la grande histoire (le premier guitariste et le premier batteur, qui ont dû s’en mordre les doigts). Mais il nous ravit pour d’autres raisons : sans complaisance aucune, il lui arrive d’écorner le tableau, et surtout de mêler à leur aventure des considérations extra-musicales (portrait d’hommes et de femmes qu’ils ont côtoyés croqués en formules-flèches, restitution d’ambiances -villes, telle cette Hambourg des bas-fonds au début des 60’s, clubs enfumés de Liverpool- dont nous avons, pauvre jeunot que nous sommes, pas connus. Soit une géographie intime restituant -parfois en touchant à la psychologie des quatre membres- avec ferveur ces années-là. Rappelons qu’à cette époque, la majorité des hommes portaient encore des portes-chaussettes ; la pop culture arrivant en trombe, ils les quittèrent… Il n’est pas impossible que les Beatles aient participé à cette révolution des mœurs. On peut aussi les louer pour cela. Reste une musique vertigineuse, surtout après 66. Et le sentiment d’un bonheur auquel plus personne ne pourra se raccrocher. Sale temps pour une fin de siècle.