On mettrait bien le titre au pluriel, tant il décrit bien l’ambiance de la cinquantaine de vignettes réunies par Etgar Keret dans ce recueil qu’il faut lire d’une traite, comme on regarderait une enfilade de clips sur une chaîne de télé musicale. Dessinateur de bandes dessinées, ce jeune agitateur (il est né en 1967 à Tel Aviv) présent sur tous les fronts de l’expression culturelle israélienne (littérature, donc, mais aussi scénarios pour la télévision, réalisations et, même, écriture d’une comédie à succès qui, montée par une troupe satirique, a remporté la Rose d’or du Festival de Montreux…) s’y entend à découper ses récits comme autant de strips aux lignes tendues et à l’impact maximal, propres à refléter l’urgence, la violence et, souvent, la parfaite absurdité de l’univers tel qu’il le voit.

Beaucoup d’histoires de magiciens, là-dedans, dont certaines joyeusement atroces (du chapeau sort, au grand dam du maître de cérémonie, un lapin fraîchement découpé et sanguinolent) ; des scènes de la vie des couples pas toujours idylliques ; des Dieux qui descendent sur terre et se font embaucher dans des stages photocopieuses ; des bizarreries et des points de détail, des souvenirs et des variations fantastiques, bref, tout ce qu’il faut pour une longue séance de zapping que l’on gagnera à dévorer sans interruption, histoire de tirer le meilleur de l’effet « crise d’asthme » que nous promet Keret. Le titre du bouquin est aussi celui de la dernière nouvelle, la plus brève et théorique de toutes : « Quand on a une crise d’asthme, on manque d’air. Quand on manque d’air, on a du mal à parler. La phrase est bloquée par la quantité d’air qu’on peut sortir des poumons. Ca inspire du respect pour le mot. » Percutant, parfois trash et parfois tendre, toujours incisif et minimaliste, Keret construit un univers chronométré au millième de seconde près, comme une course contre la montre, les balles, la mort ou l’absurde. Un régal, quoiqu’inégal, qu’on explorera en apnée après avoir pris une grande bouffée d’air frais.