« Land Arch à valeur ajoutée » pourrait être le manifeste d’Edouard François et Duncan Lewis. Ecologique au sens le plus large (politique, esthétique et social), le travail du duo franco-écossais veut se faire la résonance des particularités du territoire qu’il investit : « Les solutions sont autour de nous et non en nous. » L’ouvrage présente 20 projets très complémentaires (dont 5 ont été réalisés), représentatifs d’une posture caractérisée par le dialogue maximal avec l’environnement. Volontaires, leurs constructions ambitionnent de (re)naturaliser sans demi-mesure le milieu rural et urbain : dans le projet d’extension du groupe scolaire de Thiais (1995), le bâtiment pénètre littéralement une gangue arborée. Le mariage joue du contraste entre la végétation et le cuivre patiné des façades, mais aussi du mimétisme de l’entrelacs de la structure avec celui des arbres spécialement plantés. Ce dialogue intime se poursuit jusque dans la décoration intérieure qui décline un vocabulaire botanique. Un corps à corps également flagrant dans le projet de gîtes ruraux à Jupilles (1996) où la haie forme le matériau de façade.

Toutefois, « construire avec la nature » ne conduit pas toujours à gagner en naturel. L’étrangeté séduisante des solutions, la sophistication technique qu’elles engagent et la nécessaire maîtrise du « matériau nature » dévoilent l’ambiguïté de la vision romantique de cette œuvre, finalement plus idéaliste et artificielle que naturaliste. Ce paradoxe génère des pistes de réflexion d’une grande actualité, dont est malheureusement dépourvu le texte de Francis Rambert en introduction. Il faut relever par exemple, combien la démarche de François et Lewis s’affirme en contrepoint de la récente tendance « morphing », baignée de nouvelles technologies et autorisant tous les excès en matière de distorsion formelle. Sculptures botanico-architecturales contre performances techno-constructives, ces pistes opposées se rejoignent par leur radicalité et leur volonté de nourrir la discipline face au pari que représente la mutation de notre cadre de vie.

Bien que marginaux, François et Lewis appartiennent pleinement à la nouvelle génération de concepteurs marquée par un univers d’images. Tous doivent construire pour un contexte déterminé par la mobilité et l’incertitude, dépourvus (et sans doute libérés) de toute idéologie architecturale, mais nourris par une culture contemporaine pluridisciplinaire. Chez François et Lewis, le processus de conception reproduit ce foisonnement : images de synthèse, photographies, vidéos, matériaux divers croisent leurs effets par collage et superposition pour définir le projet mais aussi le communiquer. La richesse des planches graphiques sélectionnées pour cet ouvrage en témoigne parfaitement, avec une générosité à la mesure de celle des architectes présentés.