(Éditions Somogy, 195 F, 118 p.)

Soutenu apparemment par le FAS (Fond d’action sociale), préfacé par Salif Keïta et conclu par un épilogue signé Angélique Kidjo, ce livre raconte la passion d’un homme pour un univers qui lui a longtemps été interdit dans sa prime jeunesse. Une histoire qui pourrait se résumer en termes simples, mais qui a sans doute nécessité des centaines de clichés, des remises en cause terribles et une ouverture sans faille de la part d’un être à qui on avait oublié d’expliquer que le pardon pouvait parfois dépasser l’innommable.

Né blanc en Afrique du Sud, Darryl Evans obtient l’asile politique en 1984 de la part des autorités françaises. Il débarque à Paris, emménage à la Goutte d’or (dans le 18e arrondissement) et tombe de haut. Car c’est dans ce quartier qu’il va découvrir (« en toute liberté », dit-il) ce qui lui a toujours été défendu de connaître : le monde des noirs africains. Une importante communauté vit là, à quelques dizaines de mètres de son immeuble. La majeure partie des noirs qui la composent viennent d’Afrique de l’Ouest. Beaucoup sont venus là, à l’époque des indépendances, pour tenter leur chance. Ils n’ont pas « décollé » depuis… Ils accueillent Darryl dans leurs cercles respectifs sans réticence aucune. Qu’il soit blanc et sud-africain ne les gêne aucunement. Au contraire, ils se montrent chaleureux et curieux de savoir son opinion par rapport à son pays d’origine. Pour eux, il est africain. Et non un avocat patenté du système de l’apartheid. Ce qu’il n’a jamais su être…

Intrigué par leur façon de vivre, par leur manière de voir le monde, Darryl, photographe, décide de les fixer en images. Pour témoigner de leur humanité. Pour dire leur douleur…, coincés comme ils sont entre deux cultures. Pour dire non à tous les préjugés les concernant. Pour dire non à ce qu’on leur fait subir comme acte raciste dans cette société où l’on entend vainement siffler les sirènes de la république (liberté, égalité, fraternité). Pour régler ses propres comptes avec les démons de son histoire sud-africaine (« tout blanc sud-africain porte et portera une cicatrice jusqu’à la fin de sa vie », affirme-t-il). Et pour honorer surtout les sourires qui l’ont accueilli dès le début, sans rien demander en retour.