Les éditions Taschen nous proposent de nouveau un très bel ouvrage, à la fois analyse et histoire du mobilier et de l’architecture d’intérieur depuis le XVIIIe siècle jusqu’à l’Art déco. Abondamment illustré (plus de 1 300 illustrations), très bien documenté et clairement écrit, il propose également un panorama des ébénistes et des designers les plus marquants. Cette promenade à travers deux cent cinquante ans d’histoire des styles permet de se faire une idée vivante des caractéristiques des différentes époques et des mutations qui ont affecté les tendances et courants stylistiques, en particulier dans les quatre pays les plus actifs en termes de création et de fabrication : France, Angleterre, Italie et Allemagne. La précision des analyses, qui offrent au lecteur les moyens d’analyser ensuite par lui-même d’autres styles, console de l’absence de meubles (moins brillants, souvent plus rustiques) d’autres pays.

L’ouvrage s’ouvre sur le XVIIIe siècle : siècle de la laque et des marqueteries, siècle de la gloire de Venise et des magnifiques planches d’ébénisterie de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Siècle où les styles rivalisent de raffinement et de recherche. Rococo, néoclassicisme, « exotisme » et « retour à l’antiquité » créent une diversité dans laquelle chaque artisan trouve sa marque et sa liberté. N’oublions pas, en effet, que les grands ébénistes comme les grands « décorateurs » (tous ceux qui participaient, de près ou de loin, à la décoration des intérieurs) possédaient et revendiquaient le statut d’artisan. La rupture entre l’art (considéré comme noble) et l’artisanat (déconsidéré du même coup), rupture consacrée par la bourgeoisie industrielle du XIXe siècle, n’était pas encore consommée.
Les styles des meubles vont évoluer à mesure qu’elle le deviendra. Si une certaine profusion des styles parcourt également le XIXe siècle, l’uniformisation apparaît. La bourgeoisie est à la recherche d’un style simple, correspondant aux nouveaux intérieurs. Le principe décoratif laisse la place au principe de confort. A la même période, l’artisanat disparaît peu à peu, laissant la place aux procédés de fabrication industriels. Plusieurs passages du livre, très bien conçus, en analysent les causes et les conséquences.

L’ouvrage se clôt sur l’Art déco, reflet des grands bouleversements politiques et esthétiques que connaît l’Europe entre 1900 et 1930. Moment charnière de l’histoire du mobilier et de la décoration : les nouveaux matériaux favorisent les profusions des imaginations, participent de la naissance du design. Vienne est l’exemple le plus flagrant du décalage qui apparaît alors entre une Histoire tragique et un style qui multiplie les courbes et les motifs, comme pour faire oublier les guerres qui éclatent ou menacent.
Déjà très complet, le livre s’enrichit des biographies des menuisiers et ébénistes célèbres et d’un lexique des principaux termes techniques. Tout est réuni pour transformer ce qui n’aurait pu être qu’un beau livre de plus en une véritable encyclopédie du mobilier. Un très beau travail à un prix, comme c’est la règle chez Taschen, très abordable.