« L’homme ne joue que là où dans la pleine acceptation de ce mot il est homme, et il n’est tout à fait homme que là où il joue ». Pour en arriver à cette phrase déterminante sur la notion de jeu, il fallut attendre Schiller. Avant cela, seul Héraclite, par sa parole poétique, comprit le jeu comme mouvement essentiel à l’homme. Dans l’entre deux, Platon jeta un regard réprobateur sur lui, Aristote valida son propos avec quelques nuances, et Leibniz, trop matheux pour vivre de métaphores, en tira des enseignements sur l’art d’inventer. Cet effort était significatif. Il ne fut pas suffisant. Enfin, Pascal arriva avec deux-trois idées sur la question. Il trouva un point d’unification possible entre le sensible et l’intelligible. Casanova, dans une société (celle du XVIIIème siècle) qui voua un véritable culte aux jeux d’argent, pouvait entrer en scène. Bien plus qu’un simple séducteur, il dressa dans ses Mémoires un autoportrait du joueur, aussi doué pour la fourberie que pour l’esprit. Selon Colas Duflo, un renversement venait de s’opérer : la réconciliation improbable entre ce divertissement et la quête du sens ultime. Sur cette base, Schiller donna le véritable « coup d’envoi » – et également une forme d’apogée – à cette pensée, déterminant la place et la fonction du jeu dans la vie de l’homme. En somme, une attitude résolument moderne, bien qu’elle ne soit pas mise en pratique. L’art des situations reste à réinventer.