Goncourt. A tout seigneur, tout honneur : la dernière liste Goncourt, le carré sacré, le quarté final, est tombé (en direct de Tunis), ça y est. Surprise générale : Boualem Sansal, ultra-pressenti, n’y est finalement pas. (Il paraît que les jurés, agacés par l’unanimité autour de son nom, l’auraient écarté pour montrer qu’ils sont libres. Commentaire d’un juré anonyme, rapporté par l’Obs : « Le Goncourt n’est pas un prix de vertu ». Pas toujours un prix littéraire non plus, mais bon). Donc, le bandeau rouge le plus convoité de Paris ira, le 3 novembre prochain, soit à Mathias Enard (nouveau favori, par conséquent), soit à Nathalie Azoulai (Titus n’aimait pas Bérénice, chez P.O.L), soit à Hédi Kaddour (Les Prépondérants, Gallimard), soit, enfin, à Tobie Nathan (Ce pays qui te ressemble, Stock). On n’a aucun, mais alors vraiment aucun favori.

Freustié. Côté prix Jean-Freustié, ça y est, c’est fait. C’est Hédi Kaddour, précédemment cité, qui le reçoit, avec le chèque joint (20 000 €, l’une des plus belles dotations de l’automne, sinon la plus belle). Le même Kaddour est aussi en lice pour le prix du roman de l’Académie, qu’il peut avoir. Ce qui, peut-être, l’exclurait du Goncourt… disent les uns. Ou ferait de lui le héros de l’automne, s’il avait le Goncourt en plus, disent les autres.

Une opinion. D’Olivier Cohen, patron des éditions de l’Olivier, qui s’exprime longuement dans Télérama (interview signée Nathalie Crom) cette semaine : « C’est une pure déraison que de rassembler ainsi les prix, sur une quinzaine de jours début novembre, ça n’existe nulle part ailleurs ». Si lire des romans à prix ne vous tente pas, sachez que le dernier tome de l’intégrale Carver sort ces jours-ci, chez l’Olivier, précisément.

Annonce. Il aura fait un carton, Fabrice Guénier, avec sa petite annonce dans Libé pour qu’un journaliste s’intéresse à son roman, Ann, paru au printemps (Gallimard), en lice pour le Renaudot. Interrogé par le Huff Post, l’intéressé savoure sa réussite, la réimpression de son roman à 2000 exemplaires, et continue de se demander pourquoi personne n’en a parlé à l’époque. Son hypothèse, soufflée par le journal : c’est à cause du sujet. Autres hypothèses possibles, non envisagées : 1° il y a, combien ? 1000 et quelques romans français qui paraissent chaque année ; tous ne peuvent pas avoir leur place dans une presse qui coule et n’en a plus (de place) ; 2° le roman n’est pas terrible.
Mais si, voyons, il est sélectionné pour le Renaudot, l’auteur le constate lui-même.

OK, mettons que je n’ai rien dit.
En tous cas, ça prouve qu’il y a un créneau à prendre dans la communication sur les livres. Tout ce qui n’est pas placard plan-plan avec extraits de presse ne peut que marcher. Les livres, seul secteur où rien ou presque n’a été inventé, publicitairement, depuis Bernard Grasset ?

Migrants. Ils inspirent, fatalement, nos écrivains. Dans le Magazine littéraire de novembre, par exemple, Jean Rouaud et Hakan Günday en parlent. Et en librairie, Maylis de Kerangal signe A ce stade de la nuit (Verticales), texte bref qui lui a été inspiré, en 2013, par l’annonce du naufrage d’une embarcation de 300 réfugiés au large de Lampedusa. Claro en dit du bien sur son blog. Beigbeder, lui, la fusille, assez drôlement, dans le Figaro magazine. A vous de voir.

Banlieues. Après les migrants (pour cause d’actualité tragique et brûlante), la banlieue (pour cause de dixième anniversaire des émeutes de 2005) : Cloé Korman signe un papier dans Le Monde. Des constats terribles nous y attendent. Par exemple : « Au lieu de soigner l’incompréhension par les moyens qui s’adressent à l’intelligence et qui s’appellent éducation, tolérance, curiosité de l’autre et hospitalité, c’est la méfiance qui prime ». Qui a dit que nos littérateurs n’avaient plus envie de s’engager ? Ou qu’ils n’ont pas assez de hauteur de vue, et ne font en général que proférer des banalités ? Réactions froides dans les rares commentaires. Mais que font les modérateurs du site pour préserver le lustre des écrivains ?

Traduction. Pendant ce temps, le traducteur Olivier Mannoni a affaire à un gros morceau. Fayard lui a demandé de se coller à Mein Kampf, qui tombe dans le domaine public bientôt. Boulot terminé, apparemment. « Ce fut un travail accablant, déclare-t-il au Point, que j’ai arrêté plusieurs fois et repris ensuite en pensant, par moments, que je n’irais pas au bout ». La polémique subséquente était attendue, elle n’a pas manqué de commencer. Mélenchon allume la mèche en suppliant Fayard, qui l’édite aussi, de renoncer à son projet ; des historiens répliquent ; Libé en fait sa une, le « Grand Journal » aussi… On l’attendait tellement, ce débat, qu’on a l’impression qu’il est déjà fini, et que ce qu’on en voit/lit/entend ne sont que des échos.

Des conseils, sinon ? Naturellement. De François Taillandier, Solstice, troisième et dernier tome de sa saga 476-Charlemagne (Stock). Entretien à venir, ici même. D’Alexandre de Vitry, un énorme volume sur Péguy, Conspirations d’un solitaire (sa thèse, aux Belles Lettres), et surtout l’édition d’un « Bouquins » Péguy (Robert Laffont) intitulé « Mystique et politique », avec une préface d’Antoine Compagnon. Au Mercure, la réédition des Profils perdus du surréaliste Philippe Soupault (1963), superbe galerie de portraits (Proust, Reverdy, Bernanos…)
– D’une manière générale, aussi, à peu près tout ce qui n’aura pas de prix, et dont on n’a parlé nulle part, me glisse mon voisin.
– Mauvaise langue, va !