C’est une histoire de sexe, d’inceste, d’amour, de sang et de folie. Ca se passe dans un pays étouffé par le communisme et, sans surprise, ça se termine mal. Pour prouver au régime qu’elle n’a plus rien à voir avec sa fille Judit, enfuie à l’étranger, l’actrice Rebeka Weér organise son enterrement. Peine perdue : privée de public, elle restera emmurée chez elle, obsédée par sa gloire disparue. « Au début, on aurait dit qu’elle ne quittait pas son appartement à cause d’une migraine, mais cela a duré quinze ans. Ca fait pile deux semaines aujourd’hui qu’elle a revu la couleur du ciel, parce que je l’ai fait transporter jusqu’à la cour dans un cercueil ouvert ». L’histoire est rapportée par son fils, le frère jumeau de Judit, jeune écrivain désarticulé à la solde de la perversion maternelle. Lorsque Judit refait surface, c’est sous la forme d’une phrase tranchante sur une carte postale : « Chère mère, si vous voulez me voir, alors qu’on ne vous ferme pas les yeux le jour venu ». Cette carte, Rebeka ne la lira jamais. En revanche, elle recevra régulièrement des nouvelles anodines de sa fille, signées de la main gauche d’Antoine. Bienveillance ou retour de cruauté ?

« Si tu as vraiment érigé une pierre tombale à ta fille, alors plus aucun fond de teint ne pourra te rendre un visage humain », écrit Antoine, incapable de se défaire de l’image d’une mère omniprésente. Dans le visage grimé de son éditrice, dans les rues tristes de sa ville et, surtout, dans le corps détruit par le mensonge de la femme qu’il aime, Eszter, qui fait l’amour « comme si elle voulait en mourir ». Déroutant, le texte d’Attila Bartis parvient à transmettre cette violence étouffante dans un texte déconstruit, qui perd souvent le lecteur pour mieux le rattraper par un jet d’eau glacée. Adoptant le rythme haché du narrateur, imposé par une souffrance que vient parfois apaiser la douceur de l’amour, le récit est aride, il trouble, désarçonne, lasse parfois. Comme le hurle Rebeka à propos de son fils, Attila Bartis « écrit avec le sang des gens ».