Exilé en Amérique au moment de la Seconde Guerre mondiale, le philosophe Alexandre Koyré s’employa à définir les fondements de l’Etat moderne. Cette distance était nécessaire pour mieux saisir la complexité d’une situation (un conflit concernant principalement les grandes puissances) où les hégémonies nationales s’affrontaient. Partant de l’analyse du phénomène politique et social appelé la « cinquième colonne » -et qualifié par lui d' »ami de l’ennemi » en raison de la trahison qu’il recouvre-, il révèle de manière probante les dysfonctionnements de démocraties qui comprirent bien tard qu’une coexistence pacifique ente les Etats fascistes et les Etats démocratiques était irréalisable. Distribuant au passage quelques claques méritées aux humanistes de tous bords, pour leur faiblesse, il démasque l’homme de la « Cité bourgeoise », qui n’existe qu’en tant que possédant. De ces sociétés où « les phénomènes politiques sont presque toujours ramenés ou expliqués par des facteurs économiques », il fait un procès sans appel. Car les conséquences de ces choses ont pour noms le luxe étroit des jours, le souci de l’argent, le goût même de sa possession. Dans ces conditions, comment auraient-elles pu faire face librement à l’horreur ?Publié pour la première fois en 1945, cet essai d’une grande limpidité séduit toujours par l’unité de sa pensée. Philosophie, religion et pensée politique s’y mêlent de façon magistrale.