Kazuma Kiryu revient et il n’a pas changé : moralisateur, chevaleresque, paternaliste, ami des clodos et des putes, ennemi de la racaille (jeune et hip hop de préférence) et de tous les traîtres à la nation, il est l’incarnation du yakuza héroïque en quête de respectabilité. Entre beat’em-all RPG et simulateur de quartier à la topographie insulaire typiquement japonaise, Yakuza c’est d’abord une formule, gagnante, que ce troisième épisode décline en s’envolant pour Okinawa (où Kazuma joue les moniteurs de colo post Kitano) avant de revenir à Tokyo, dans ce bon vieux quartier de Kamurocho où on a pris nos habitudes. Et bien que relifté, légèrement reconfiguré, optimisé pour sa première vraie mouture PS3 (plus de ruelles sombres et typiques ou flâner, plastique HD de rigueur), retrouver ce petit bout à la fois réel et rêvé de Shinjuku produit toujours la même fascination.

Un plaisir du quotidien, où l’on va de bar en restaurant et salles de jeux, à travers un map à taille humaine où la marche détermine nos déplacements. Mais Yakuza 3, c’est aussi et comme toujours un scénario efficace qui ici, tout en payant encore son tribut au grand Fukasaku, utilise l’histoire, sinon la mythologie d’Okinawa, pour mélanger intrigue mafieuse et politique en convoquant des liens avec l’Amérique et sa CIA. C’est également une mise en scène à l’élégance infaillible, des personnages à la cinégénie incroyable, des side quest à profusion (101 au total) nourrissant univers et intrigue, des mini games par dizaine, un gameplay customisé donnant plus de rage et possibilités aux rixes urbaines. Riche par son biotope, sa myriade de récits parallèles rarement déconnectés du scénario principal, son idée de faire de la ville une ère de vie et de jeu (proposition quasi existentielle typiquement japonaise), Yakuza 3 ne déçoit pas et perpétue la splendeur de cette licence trop mésestimée chez nous. Seul détail, impardonnable, dans la localisation du jeu : la censure des séances de dating dans les bars à hôtesses, qui attendent désormais sagement dans un fast food qu’on les sorte avant de tirer un coup. Au Japonais la drague cosy, aux Occidentaux les filles faciles qu’on se tape aussi vite qu’un Big Mac.