Il y a certains game-designers qui pensent, sans doute, qu’une bonne idée suffit à faire un bon jeu. Malheureusement, ça ne suffit pas toujours, et les exemples ne manquent pas à l’appel, d’Eternal darkness et son « sanity-meter » à Conflict : Desert storm et son système de coopération. Puisqu’on parle de travail en équipe, justement, The Thing propose lui aussi un concept de gestion de PNJ plutôt séduisant. Reprenant l’action du film éponyme là où Carpenter l’avait laissée 20 ans plus tôt, The Thing parachute une escouade de durs à cuire sur la base polaire dévastée par une entité extra-terrestre. Comme le dit la longue intro du jeu bourrée de spoilers : « Where the movie ended, the true terror begins ». Ca promet…

Dans la peau du très viril-machoire-carrée Capitaine Blake, le joueur doit diriger un petit bataillon de trois troufions, chacun ayant sa propre spécialité -ingénieur, soldat bourrin ou infirmier. Jusque-là, rien d’extraordinaire, on surfe sur le terrain connu du jeu coopératif à la Lost vikings, chaque coéquipiers pouvant s’avérer utile selon la situation, l’ingénieur pour réparer certains interrupteurs ou terminaux, l’infirmier pour panser les blessures et le bourrin pour… bourriner. « LA » bonne idée c’est que vos collègues ne sont pas de bois. Ils ont beau être surentraînés et en avoir dans le slip, ils font moins les fiérots devant les gros tas de viande aux mâchoires bardées de lames de rasoir qui rôdent dans la base polaire. Bref, si Blake ne fait rien pour déstresser ses compagnons, il risque rapidement de se retrouver avec une équipe de schizos-paranos à la gâchette facile. Il faut donc constamment être sur ses gardes, vérifier qu’un de ses collègues n’est pas une « Chose » déguisée, veiller à ce qu’ils ne se mettent pas à penser que vous-même êtes infecté, faire attention aux températures mortellement glaciales des extérieurs et rassurer le trouillard qui sommeille en chaque soldat d’élite en lui filant quelques munitions ou en lui injectant une bonne dose d’adrénaline.

Gérer la bonne tenue psychologique et physique de son équipe est une idée de gameplay très séduisante et finalement, à quelques incohérences près, plutôt bien torchée. Hélas, pour le reste, The Thing échoue lamentablement. Son premier défaut, c’est d’être « hyper-multi-plates-formes », du PC à la PS2, en passant par la Xbox… Déjà, en temps normal, étendre une licence sur plusieurs consoles se révèle souvent hasardeux -nivellement technique par le bas, j’en passe et des meilleures. Mais dans le cas présent, The Thing souffre en plus d’une bâtardisation inévitable, du fait de sa double casquette PC/consoles. Le jeu ne ressemble finalement à rien, pas assez pointu pour contenter les PC-istes qui en ont vu d’autres, et trop complexe pour les consoleux qui risquent de se perdre un peu sur leur joypad. De plus, le jeu ne parvient pas à proposer quoi que ce soit d’intéressant ni par son aspect aventure -tourner en rond pendant des heures pour trouver une clef- ni par son côté action -ça tire dans tous les sens, laissant un désagréable sentiment de fouillis et de confusion. Esthétiquement, on atteint les abysses du manque flagrant de personnalité occidentalo-PCiste, ce qui est gênant quand on veut marcher sur les traces de Resident evil. Enfin, sur PS2, la réalisation technique est franchement inégale : graphismes acceptables mais framerate moyen-moyen. Bref, partant d’un concept de base plutôt astucieux, The Thing se vautre comme une grosse otarie dans le déjà-vu-mille-fois multi-plates-formes, et l’adult-gaming bas du front et sans âme. Dommage…