Innovation ou prudence ? Chaque FPS semble répéter une même scansion existentielle, un doute devenu naturel, conséquence incontournable de son statut populaire et lucratif. Doué d’atavisme stratégique au genre, The Darkness II n’invente rien (le premier non plus), ou presque, mais il le sait. Mariage improbable entre mafia movie et fantastique gore, le jeu prône son combo ultime entre gunfights et pouvoirs surnaturels comme prétexte à une progression linéaire scriptée mêlée de massives escarmouches en arène. Son gameplay, fixé sur l’antagonisme ombre (refuge) versus lumière (létale), suit un même équilibre schizophrène, touchant également le scénario (le héros, se prenant pour un Parrain aux pouvoirs diaboliques, serait en réalité interné dans un asile).

Dépourvu d’états d’âme, débordant d’imagination outrancière, The Darkness II fait de sa frénésie garage le carburant d’un comics interactif à rythme soutenu, dont les effets de manche s’épuisent parfois trop à sublimer sa routine, la superficialité n’étant jamais loin de prendre le pas sur le divertissement. Malgré tout, le jeu promène ses allures de bâtard chic avec un certain talent, servi par une technique d’ombrage complexe (effets de lumières et flashs magnifiques) et cohérente, lui apposant un filtre des plus classieux. Outre son hybridation efficace et forcenée des cultures bis, son scénario trimballe un personnage sur une alternance psychique entre deux régimes de réalité : celle du jeu (l’univers urbain où se déroulent les combats) et de son « réel » (un asile que le personnage parcoure comme un point’n click). Soit la rhétorique par excellence du cinéma cérébral contemporain, d’Inception à Sucker punch, qui se voit non seulement digérée mais plutôt bien intégrée à sa logique de massacre. Certes, sa symbolique de transfert psychique comme métaphore du jeu vidéo fait l’effet d’une incontournable tautologie, sans réel argument frais si ce n’est sa seule faculté d’entertainer. La relation intersubjective permise par le FPS ne vise ici aucun absolu théorique. A ce titre, un niveau, où le joueur se retrouve bloqué dans un train fantôme, les ennemis surgissant au milieu de leurs doubles en carton-pâte, soulève bien la préférence du jeu pour un primitivisme forain plutôt que penseur.

Pur produit de l’entre-deux, The Darkness II dispose d’un talent tenace à maquiller ses défauts de recycleur. Son mérite se lit surtout dans sa résurgence, non sans nostalgie, d’une ère révolue du FPS. L’époque post-Duke nukem 3D et de ses émules en série (Blood, Shadow warrior, Redneck rampage), où tout FPS semblait se cantonner à une approche carnavalesque du genre, où la caricature suffisait à circonscrire un gameplay. Ce dernier né en conserve peut être le défaut principal : celui d’une redondance canonique. Mais, comme eux, il sait aussi s’émanciper de la masse comme honnête défouloir de transition, où tout n’est plus que fureur et gratuité.