On avait laissé la saga Tekken sur la pente savonneuse de l’échec à répétitions. En voie de ringardisation même pourrait-on dire. C’est qu’après le troisième et sublime opus sur PlayStation, la série s’est enlisée sur la 128bits de Sony, avec un Tekken tag tournament (TTT) niaisement compilatoire. Puis ce fut le tour de ce quatrième chapitre de se faire gentiment ridiculiser sur arcade par le faramineux Virtua fighter 4 (VF4). L’heure de la revanche a sonné, avec un portage de Tekken 4 sur PS2 qui redonne un peu ses lettres de noblesse à la mythique licence de Namco.

Il faut tout de même préciser que l’éternel rival made in Sega n’a pas ébloui nos rétines sur le même support. Solide gameplay mais graphismes inégaux : le terrain était donc vierge pour ce nouveau Tekken et Namco n’a pas fait les choses à moitié. Tekken 4 est le plus beau jeu de baston… sur PS2. Mais un bon jeu de baston ne se limite pas qu’à l’emballage sinon Dead or alive 3 (DoA3) serait un chef-d’oeuvre. Pour faire oublier les critiques émises sur TTT, Namco a essayé de renouveler un peu les ingrédients. Ca reste du Tekken, avec des personnages de base qui ont pris un léger coup de vieux et quelques petits nouveaux relativement intéressants. Le boxeur Steve Fox, notamment, dont la particularité est qu’il n’utilise pas ses jambes -ce qui est plutôt logique, pour un boxeur.

La grande nouveauté, si l’on peut dire, à condition de rester dans l’histoire interne à la saga, c’est l’arrivée un peu tardive de vrai décors 3D interactifs. Fini le sol tout plat avec un scrolling de fond pour simuler la profondeur. Cette fois on se bat dans un environnement moins balisé, avec des dénivelés, des grosses statues à casser pour le plaisir de les casser. Et des murs, et des pylônes pour pulvériser encore plus fort son adversaire. Evidemment, Vitua fighter 3TB et DoA2 sont passés avant, alors, forcément, les décors un peu vides de Tekken 4 ne vont pas impressionner grand monde. Mais l’initiative apporte un peu de fraîcheur au titre qui commençait à sentir le sapin. L’autre grande audace de ce Tekken 4 c’est d’avoir misé sur le tout-réalisme et une cohérence esthétique plus inhabituelle dans ce genre de jeu. Si on met de côté le stage de la plage et celui de la jungle baroudeuse, toutes les arènes se situent dans un milieu urbain high-tech. Des rues illuminées des quartiers branchés de Tokyo aux sous-sols glauques de matchs à la Fight club, de centres commerciaux en parkings souterrains, Tekken 4 délaisse sa bonne vieille optique globe-trotter au profit d’un univers plus concentré… plus aseptisé aussi. Si on reprend rapidement ses marques au niveau de la jouabilité -les coups spéciaux reviennent vite, c’est comme le vélo-, on peine par contre à retrouver ses repères graphiques. Tekken 4 est beau, et froid. Passée la surprise de voir le boss récurrent Heihachi Mishima apparaître en Pampers, on regrette que les personnages jouables ne soient pas plus charismatiques et pas plus nombreux -juste 19, ce qui est peu pour un Tekken. C’est dire qu’en solo, on en a vite fait le tour. Les modes de jeu sont réduits au minimum syndical, on notera juste au passage le retour du beat’em-all légèrement brise-burnes Tekken force. Heureusement en multi, le jeu est toujours aussi fun, abordable, et plus technique qu’il en a l’air. Après tout, c’est là que tout jeu de baston prouve sa véritable valeur.

Habile compromis entre un VF4 nettement plus profond et un DoA3 franchement plus joli -et plus sexy-, Tekken 4 s’est taillé un nouveau costard et s’est fendu de petites innovations qui commençaient franchement à se faire désirer. C’est assez pour faire oublier les errements de TTT et trop peu pour en faire un titre mythique comme l’a été Tekken 3 en son temps. Mais il faut bien s’y résoudre, la série est au jeu de baston ce que Victor Hugo était à la poésie : un incontournable.