Telltale s’égarerait-il dans sa mégalomanie ? A force de vouloir vaincre sur tous les fronts, tout le temps, Kevin Bruner et sa milice d’écrivains ont fini par s’emmêler les stylos dans le second épisode de Tales From the Borderlands. La formule était pourtant toute trouvée avec l’excellent Zer0 Sum en novembre : absurde, humour et action pop-corn over-the-top. C’était à qui entuberait qui le plus vite, et le mieux, dans cet univers de déglingués psychopathes. Atlas Mugged lui, s’éparpille, et au passage, calme les ardeurs.

Malgré une introduction toujours aussi délibérément jouissive, le récit rythmé par les réparties cinglantes des deux unreliable narrators Rhys et Fiona pose le jeu pour se recentrer sur les personnages et leurs arcs sentimentaux. Résultat on sent ce chapitre plus flottant, moins organique et sûr de lui, comme contraint de s’auto-saboter en acceptant des compromis sur son excentricité. Ici une phase de point’n’click difficile à justifier enraye le moteur comique, là la mise en scène n’assume pas l’ampleur de la déviance de ce qui est montré. Quand on attendait de Tales From the Borderlands – après un départ si propre – de profiter de ses excellentes prémices pour jouer la surenchère perpétuelle dans le dynamitage de gueule, il effectue ici un virage maladroit pour rentrer dans les clous. Telltale cherche probablement à trouver un équilibre dans son scénario, entre sérieux théâtral et bouffonneries, entre drame humain et Fous du Volant. Mais le compromis ne semble pas faire partie de l’ADN de Borderlands, de sorte que chaque tiède concession sur l’extravagance désaxée de son univers fait invariablement tiquer.

On ne peut s’empêcher toutefois de voir là la suite d’une expérimentation, sans doute maladroite, qui vise à transformer Tales From the Borderlands en étendard de la complétude du talent telltalien en matière de réappropriation. Déjà à la pointe dans le premier épisode sur la conversion en mécaniques narratives du loot ou de l’émulation du multi-joueurs, il ne lui resterait plus qu’à concilier efficacement ses ambitions scénaristiques avec la folie piquante de son groove loufoque pour qu’il atteigne le nirvana du jeu épisodique narratif. Vu sous cet angle, Tales From the Borderlands est sans nul doute le projet le plus utopique du studio californien, et cela pourrait bien lui coûter.