Will Wright, inspiré après par ses maquettes et la lecture du conte cybernétique The Seventh Sally de Stanislas Lem, invente en 1987 le premier simulateur de développement urbain. Depuis 1989, année de sortie de Sim city premier du nom, Wright fait les bonnes affaires d’Electronic Arts avec ce qui constitue sans aucun doute l’un des plus gros succès commercial vidéoludique de tous les temps. Wright est aussi probablement l’homme qui aura pour l’heure le mieux retranscrit virtuellement la réalité. Alors qu’on tente plutôt de la fuir, lui nous propose de nous y replonger illico. Nuance de taille tout de même : avec Wright, le réel c’est bien plus concluant. La preuve si l’on s’en réfère au succès public de son rejeton XXIe siècle : The Sims. C’est d’ailleurs en consacrant tous ses efforts sur ce dernier que Maxis a laissé un peu en plan Sim city, le studio ayant jugé suffisant le fait de s’en tenir à l’imparable concept de base réactualisé à travers quelques upgrades pour la forme (Sim city 2000, Sim city 3000, plus de 5 millions d’exemplaires vendus dans le monde). Maintenant que les Sims s’auto-développent online (The Sims Online, disponible incessamment sous peu en Europe), le studio de Walnut Creek (Californie) décide enfin de revoir sa copie avec Sim city 4 (et non pas « 4000 »)… Sans Will Wright qui doit se la couler douce.

Du neuf, vraiment ? Mieux que ça, une petite révolution dans le genre gestion urbaine. D’abord parce qu’il s’agit désormais de gérer une région et non plus seulement une ville, ce qui permet d’expérimenter, via des zones reliées ou non entre elles (métro, train, autoroutes) mais bien distinctes, plusieurs types d’agglomérations aux allures et aux caractéristiques totalement différentes, voire opposées (zone résidentielles, industrielles ou commerciales). Ici, la bourgade huppée avec parcs publics, boutiques chics et plages aménagées ; là, la cité des affaires avec centres commerciaux bons marchés ; plus loin, pour ne pas perturber le bonheur ambiant en pleine expansion dans les agglomérations environnantes, le bled paumé où l’on entassera décharges publiques, industries chimiques et nucléaires, et quelque quartiers résidentiels de secondes zones mais imposables, puisqu’il faut bien amortir les frais. Ce qui n’empêche pas bien entendu -inévitable dans les opus précédents- de mixer les zones dans une même agglomération.

C’est bien sûr, encore et toujours, de la gestion des budgets alloués dont dépendra la longévité de votre mandat de maire. On a très vite de fait de s’emballer en omettant de jeter un oeil à la case « recettes » du compte de résultat. Pour assurer l’extension et l’embellissement des villes, l’emprunt s’avère inévitable. Comme son remboursement. Sim city 4 relève fondamentalement des même principes de gestion que ses prédécesseurs : il convient de bien définir vos priorités et d’établir un parfait équilibre entre désirs et nécessités en matière d’urbanisme, de services publics, de sécurité, de santé et éducation, de transports et d’environnement. Pour chacune de ses spécialités, en plus du budget, des conseillers veillent et ceux-ci ne manquent pas de vous rappeler à l’ordre au moindre écart.

Graphiquement, Maxis a retravaillé complètement le look de son nouveau rejeton. Résultat : quand bien même le décors reste en 2D – ingérable en 3D vu le nombre d’éléments présents à l’écran -, c’est magnifique, notamment en matière d’architectures. Tout y est : pompiers, police, ambulances, bus, hélico, chantier, grande roue, terrain de foot US… et chaque Sim vit sa vie. Les plus attentifs pourront même assister live à des scènes d’agressions. Coup de chapeau également s’agissant de l’ergonomie : les multi-fenêtrage chaotique, c’est de l’histoire ancienne, vous n’avez plus aucune difficulté ici à naviguer dans les menus. Reste l’option « catastrophes » dont on a toujours pas bien saisi l’intérêt sachant qu’aucun adversaire s’oppose au bon développement de vos agglomérations. Quel joueur tordu peut éprouver un quelconque plaisir à anéantir ses belles cités, résultats de dizaine d’heures de gestion acharnée, sous la lave d’un volcan, au contact d’une comète, ou, plus crétin encore, par l’intermédiaire d’un Gozilla mécanique qui pulvérise tout sur son passage ? Enfin, on notera la possibilité d’importer en ville ses propres Sims, ceux-ci vous livrant régulièrement leurs états d’âme histoire de profiter également d’un point de vue de citadin.

Au final, on a donc la possibilité de faire le grand écart en incarnant tantôt un dieu -modification du terrain et ciselage du littoral façon Populous en prime-, tantôt un simple individu. Mais c’est naturellement dans la position du maire qu’on apprécie pleinement Sim city 4. Un job passionnant dans le réel jolie/sympa de Will Wright.