Le jeu vidéo vit désormais dans l’attente. Toutes les sorties de jeux ont des airs de fin de série (plus ou moins haut de gamme), en attendant que les Xbox One et PlayStation 4 débarquent. C’est ainsi l’heure du bilan, d’un bilan qui se répète d’un titre à l’autre. Curieux sort que celui du mythique Resident Evil dans cette configuration singulière, quoique cyclique. Après un quatrième épisode d’anthologie, matrice à dix années de jeu d’action et autres TPS, la saga culte de Shinji Mikami s’est un peu perdue d’une génération de console à l’autre. La puissance des Xbox et PS3 promettait le meilleur de Resident Evil, les épisodes 5 et 6 furent les moins aimé, parfois les moins compris aussi. Deux épisodes de la continuité (arcade) ou du compromis (avec l’époque et ses blockbusters), qui ne provoquèrent qu’un désamour en forme de « tout fout le camp ». Que s’est-il passé ? Et si la seconde sortie de Resident Evil Revelations (sur console de salon après un tour initial sur 3DS) permettait de poser un diagnostic ?

 

Tentative de retour aux sources vers le survival horror, Revelations renoue avec les espaces exigus balayés de longs couloirs et de portes. Au château du premier épisode le jeu troque ainsi un navire de croisière rempli de créatures hybrides, dont il casse l’environnement par des allers-retours temporels permettant d’explorer d’autres décors et personnages. Cette greffe de la narration sur celle des séries – le jeu allant jusqu’à mimer à chaque début de mission le récapitulatif de l’épisode précédent -, conserve en HD le même charme un peu gadget qui voudrait résumer l’art de Resident Evil (serial par excellence dont on sous-estime l’ampleur narrative), en un gimmick quelque peu opportuniste. Sauf que d’une version à l’autre, le feeling change. Et si sur 3DS le jeu obligeait l’ajout d’un second stick à la console pour bénéficier d’un meilleur confort, la version HD n’a plus besoin d’autant de complications techniques et autres fournitures en sus, étant équipée d’office. Résultat, Revelations se joue au pas de course. Longtemps la série a immobilisé son personnage pour shooter (on ne compte plus les pétitions pour que Capcom change son fusil d’épaule), désormais tout bouge vite, et bien. Cette variation rythmique que l’épisode 6 a chamboulé aussi, prend ici une apparence différente en s’installant dans un cadre rétro, entendu qui voudrait ressusciter l’horreur à l’ancienne que Dead Space avait poussé très loin. Mais là ou la portable forçait une certaine lenteur (par contraintes) et une autre appréhension de l’espace-temps qui justifiait ce retour vers l’horreur, la version salon, plus speed, se trouve finalement un peu le cul entre deux chaises. Et pas que pour de bêtes raisons ergonomiques.

 

D’où cette situation étrange : le dernier Resident Evil à sortir sur cette génération de console incarne toutes les hésitations de Capcom et sa licence culte. Le studio japonais n’a en effet cessé durant ces sept dernières années de se chercher, allant débaucher des studios occidentaux pour relancer ses licences ou en initier des nouvelles (Devil May Cry, Bionic Commando, Dark Void). Même Resident Evil avec Operation Raccoon City a fait les mauvais frais de cette délocalisation. Par son retour aux sources, Revelations voudrait fléchir la courbe du temps, ressusciter l’esprit égaré des débuts sans oublier de l’actualiser. Autrement dit garder le meilleur des deux mondes, pour un Resident Evil idéal, retrouvé, qui puisse corriger le tir d’années d’errance où Capcom a cherché à retrouver son identité un peu perdue. Mais l’ironie veut qu’en partant de la version portable, l’homothétie ne fait pas de miracles. Tout upgradé qu’il soit, le jeu ne peut bénéficier au maximum des capacités de la machine. Au lieu de voir grand, le meilleur des Resident Evil sur Xbox ou PS3 n’est donc qu’une face b comme bis, un second couteau portable ; n’est-il pas d’ailleurs confié aux soins d’un game designer inconnu, Kôshi Nakanishi, dont on sait peu de choses sinon une participation à Resident Evil 5 ?

 

Que Revelations soit finalement, presque par hasard, le meilleur épisode depuis longtemps ne peut être que terni par les essais semi-ratés qui l’entourent. Pour preuve le jeu sort sans tambour ni trompette, comme l’adaptation qu’il est, un produit de seconde catégorie, dont on a découvert les qualités tardivement. Il y a dans tout ça un léger sentiment d’échec et d’amertume, l’impression de voir la licence chérie du survival horror arrivée à son terme. Au moment où Shinji Mikami la rebooste ailleurs (chez le mastodonte Bethesda avec The Evil Within), Resident Evil revient pour un énième tour de piste aux allures de vieille gloire sympathique mais fatiguée. Un baroud d’honneur sans éclats, comme une fin honorable après une longue hémorragie. En attendant que le cadavre ressuscite, ou pas. Ce serait pourtant la moindre des choses.