Aussi paradoxal que cela puisse paraître, malgré sa lente agonie commerciale, il est fort probable que la Dreamcast domine une fois de plus ses concurrentes, au moins encore pour cette année 2001. Trois bombes RPG à la suite –Phantasy star online (PSO), Grandia 2, Skies of Arcadia-, c’est presque trop pour de malheureuses journées de 24 heures. On débute donc les hostilités avec une remise au goût du jour d’une bonne vieille licence Sega, un Phantasy star via réseau. Concept courageux et révolutionnaire s’il en est, puisque, rappelons-le, l’expérience RPG online n’avait jamais été tentée jusqu’alors sur console. C’est dire si l’on pouvait frôler le fiasco… Pourtant, malgré quelques petites imperfections, PSO est un pur chef-d’oeuvre, et une réussite technique surprenante. A aucun moment on n’aurait pu soupçonner que le jeu vidéo console subisse son dépucelage online avec un tel degré d’aboutissement.

Venons-en aux faits. PSO propose deux modes de jeu, plus complémentaires que diamétralement opposés. Le premier est un mode offline qui repose sur une vague intrigue prétexte : une mystérieuse explosion sur la planète Ragol a fait disparaître les colons du vaisseau Pioneer 1. En tant que Hunter -sorte de mercenaire multitâches-, vous êtes chargés par le haut commandement de Pioneer 2 d’explorer les environs et d’enquêter sur les origines de cette terrible catastrophe. Ce qui revient, en clair, à bouffer du streumon jusqu’à ce que vous croisiez le chemin des désormais légendaires boss de PSO. Autant prévenir les thuriféraires du RPG nippon à la sauce SquareSoft ou Enix : PSO n’est pas un FF-like. Plutôt un mix de dungeon et action-RPG, quelque part entre Evolution et Zelda. Pas d’énigmes, pas de dialogues avec l’habitant. Le but premier, c’est de faire évoluer votre personnage à grand renfort de baston convulsive. Certains trouveront le principe un peu répétitif malgré le nombre de missions proposées -une principale et de multiples quêtes annexes. Mais l’envie d’aller plus loin, de rendre son personnage plus puissant, de découvrir de nouvelles armes et de nouvelles techniques rend le jeu furieusement addictif. Et ce malgré sa structure binaire « je tue/j’évolue ».

Quoi qu’il en soit, c’est bel et bien le mode online qui donne tout son sens à PSO. Le procédé reste le même, mais il y a la possibilité de jouer en équipe avec trois autres joueurs. Enorme avantage : les monstres sont plus nombreux, on progresse donc plus rapidement. Et puis PSO propose une philosophie de jeu franchement appréciable et plutôt inhabituelle dans le genre. Alors que la plupart des RPGs online se contentent de singer ce bon vieux modèle du libéralisme sauvage -je bouffe le petit pour devenir plus puissant-, PSO recrée un monde basé sur cette belle utopie de la communauté d’entraide. Impossible de tuer son partenaire pour gagner de l’expérience et voler son équipement. Ici, on partage tout, les ennuis et les gains. C’est dingue : pour un peu, on se croirait dans une société égalitaire issue du marxisme… du moins sur les serveurs européens.

Au-delà de ces considérations proto-idéologiques, le plus surprenant c’est que les parties online fonctionnent si bien malgré le misérable modem 33k de la Dreamcast. Un peu de lag de temps a autre, quelques déconnexions sauvages… Pas de quoi crier au scandale. L’interface est plutôt bien pensée, même si le clavier se révèle rapidement indispensable pour chatter correctement avec ses partenaires.

Niveau réalisation, Sonic Team s’est définitivement surpassé. Si les premiers écrans ne sont pas transcendants, dès lors qu’on plonge au cœur des donjons, on se vautre dans l’orgasme visuel. Plus doués pour les univers bucoliques que pour tout ce qui est techno-cyber, les designers de Sonic Team ont su restituer la beauté d’une colonie extraterrestre mangée par la végétation, d’une forêt brumeuse, d’une caverne aquatique avec force talent et une inspiration qui intime le respect. L’émerveillement est perpétuel, hélas, les environnements disponibles ne sont pas très nombreux. C’est là, sans doute, la principale limite de PSO au-delà de son aspect répétitif. La durée de vie est assurée par des boss particulièrement rétifs à se laisser massacrer et une montée de niveaux assez laborieuse. Malgré tout, on finit par se lasser d’admirer toujours les mêmes décors, d’exécuter toujours les mêmes missions en mode online. On souhaite donc vivement que la base du jeu s’étende grâce aux possibilités du réseau. On ne cracherait pas, par exemple, sur des extensions qui permettraient d’explorer plus concrètement la planète Ragol, de pouvoir communiquer avec la population, bref de sortir du carcan du donjon. Pour le moment, il faut se contenter de refaire les mêmes parties en plus hard, une fois la quête principale terminée.

Mais en l’état, PSO demeure un véritable petit bijou, pourvoyeur de nuits blanches réticulaires, qui ouvrira, on l’espère, bien des portes. Certes, il y a encore des progrès à faire pour apporter un peu plus de profondeur au concept. Le RPG console online balbutie, mais le premier bébé est un beau bébé. Reste à savoir si les petits frères nippons qui suivront sauront relever la sauce. A vérifier, en 2002, avec le FFXI de Square sur PS2.