Quelques mois seulement après la sortie de son précédent jeu (la suite de son hit OlliOlli), le studio anglais Roll7 revient avec son troisième titre indépendant, Not A Hero, et en profite pour changer de registre. Fini le skateboard, place aux armes à feux (et blanches) pour un Run and Gun 2D excessivement sanglant. À l’image de son esthétique pixel art, le gameplay du jeu atteint des sommets de sophistication avec des mécaniques à la fois épurées et exigeantes. Car, bien qu’en 2D, le joueur doit utiliser le décor pour se mettre à l’abri et tirer sur ses ennemis grâce à un système de couverture assez simple à la Gear of War (une pression de bouton envoie directement le personnage se planquer derrière un élément du décor en une glissade). Autre élément emprunté aux jeux d’action 3D : la nécessité de recharger son arme, moment durant lequel, forcément, le joueur ne peut plus tirer (ou même courir).

Ces actions qui ponctuent les parcours frénétiques des personnages peuvent surprendre car, à l’inverse de OlliOlli 1 et 2 où chaque niveau devait être exécuté d’un seul mouvement continu, la course est ici sans cesse interrompue. Mais ces saccades permettent surtout de rythmer le jeu, le joueur adaptant le tempo à sa façon de jouer. Ces petites notes de réalisme facilitent l’immersion au sein d’une action tirée par les cheveux et poussent à adopter une approche plutôt tactique dans un cadre bourrin. Le gameplay trouve son équilibre entre des passages qui exigent d’élaborer et de mémoriser chaque mouvement et des gunfights tapageurs.

À cela, s’ajoute une subtilité supplémentaire dans le choix des personnages. Chacun d’entre eux possède une arme différente qui lui confère des capacités et des handicaps spécifiques. Ces particularités n’ont rien de révolutionnaire (le fusil à pompe est lent mais puissant, la mitraillette rapide mais imprécise, etc.) mais elles modifient assez l’approche du terrain, multipliant les degrés de difficulté et la richesse des niveaux. En somme, Roll7 n’invente pas grand-chose mais recycle avec suffisamment d’originalité des éléments tirés d’influences diverses (de Hotline Miami à Vanquish, en passant par Super Mario Bros 2) pour proposer quelque chose de relativement neuf, prouvant une fois de plus que la scène indépendante a trouvé une locomotive très efficace en mariant le rétro et la next gen.

Mais au-delà du jeu vidéo indé, Not A Hero doit aussi être raccordé à la vitalité dont l’audiovisuel anglais fait preuve vis-à-vis de la pop-culture depuis une dizaine d’années (disons des films d’Edgar Wright à la série Sherlock) en utilisant ces références avec une aisance et un naturel désarmant (surtout pour nous, en France). L’histoire du jeu, par exemple, brasse large et n’hésite pas à aller loin dans la loufoquerie. Pour la résumer brièvement : BunnyLord, un lapin extraterrestre du futur, tente de devenir le maire de Londres en envoyant des mercenaires – tous plus caricaturaux les uns que les autres – dans diverses banlieues londoniennes pour décimer tout ce que l’Angleterre compte de criminels, des racailles de cité aux ninjas des clans de yakuzas, dans un véritable déluge d’ultra violence. Tout cela donne lieu entre chaque niveau à des séquences d’humour noir très drôles, conférant au titre une ambiance décomplexée et potache (le niveau où il faut escorter une petite grand-mère jusqu’à chez elle est assez savoureux). Mais, et c’est là qu’on nuance, elles dissimulent mal le manque de profondeur du jeu qu’elles tentent de compenser. C’est toute la limite du savoir-faire anglais quand il n’a rien à offrir d’autre que son brio (réel), se complaisant dans ses prouesses et sa nonchalance. La désinvolture du surdoué finit systématiquement par tourner court (comme les films d’Edgar Wright, justement). Not A Hero n’y échappe pas, son excès d’absurdité tendant vers le gimmick et l’automatisme sans jamais se rattacher à un authentique rapport au monde ­– si on le compare par exemple à la cruauté de Super Meat Boy ou à l’onirisme obsessionnel de Hotline Miami. Le jeu, au demeurant sympathique et très agréable à jouer, souffre de ce défaut de personnalité propre aux mécaniques tellement bien huilées et sures d’elles qu’elles en deviennent anecdotiques.