« Un punk ça vieillit mal », me glissait il y a quelques années un pote de fac. Que voulait t-il dire ? dégQue les rebelles finissent par se coucher ? Pour la plupart, oui. Mais ce n’est pas là où mon pote voulait en venir. Alors quoi : que l’idée du punk appartenait à une chronologie non reconductible ? Certainement, à chaque génération sa révolte. Mais une fois encore, je loupais le coche. Non, pour bien comprendre la décadence du vieux punk (ou rebelle ou baba ou coco), il suffit de le voir en 2005 avec ses jeans troués et sa veste en jeans cloutés ornés d’un imprimé de rat à crète. Ce n’est pas démodé, ce n’est pas choquant. C’est juste qu’il n’a pas changé. Mais son folklore et son foie en ont pris un coup. Le monde le regarde avec un sourire amusé. C’est le monde qui a changé.

Mortal kombat, ça c’était du rock ‘n roll. Dans les années 90, c’est par lui (avant Doom, même) que le scandale du sang pixellisé contamine le petit écran. Street fighter 2 apporte le bushido, le culte du combo et de la maîtrise des mouvements ; Mortal kombat, la Budweiser, le gore et le sadisme à coup de patterns saccadés. Deux visions du jeu de combat. Deux histoires culturelles. Le japon et l’ascétisme chez Capcom. Les USA et les films de Roger Corman chez Midway. Deux sagas emblématiques mais paresseuses qui ont très mal vécus le passage à la 3D. En 2003, tandis que Street fighter se réfugie dans l’ascétisme pro-gamer 2D, Mortal kombat tente bravement de damer le pion à Soul calibur II. Peine perdue. Mortal Kombat : Deadly alliance ne retrouvera jamais la fougue de son adolescence et Deception (2004) se perd dans les mini-jeux cache misère.

« Je suis trop vieux pour ces conneries », comme disait Danny Glover, le cul vissé sur ses toilettes au penthotal. Comme pour ranimer le vieux punk en pleine OD, Ed Boon, créateur de la série tranche à la serpette tout ce qui dans ses routines pourrait ringardiser son enfant terrible. Parti pris radical : revenir aux sources du succès de sa saga. Graphismes classieux (grâce au moteur physique Havok, bien connu des pcéistes), orgie de tripailles, scénario digne des plus invraisemblable nanars. Et reprendre à sa sauce tout ce qui fait le commun des blockbuster du jeu vidéo : free roaming, bonus planqués, évolutivité des personnages, mode coopératif… Il se permet même des clins d’oeil dans le rétro appuyés par un scénario prenant place entre le premier et le deuxième épisode (datant respectivement de 1992 et 1994) et leurs principaux lieux et protagonistes. Foulant au pied toutes les règles de la bienséance avec des dialogues définitivement cultes (« Je refuse de croire ce que j’ignore », « C’est bien normal, mec, c’est un mystère ancestral ! », « Bon sang, Liu Kang, nous a encore mystifié… « ). Mais tout cela n’aurait relevé que de l’effort désespéré si Boons n’avait pas compris l’essentiel et rangé son orgueil pour le bien de sa saga. Mortal kombat : Shaolin monks n’est plus un jeu de combat mais un beat’em-up mâtiné de jeu d’aventure qui s’assume pleinement. Cette reconversion réussie (initié il y a quelques années par un paresseux spin off) dans un genre en voie de réhabilitation (The Warriors de Rockstar, Genji, Beat down …), rend à Mortal kombat tout son pouvoir d’évocation. Mieux, il met fin au règne d’un gameplay haché et désuet au profit d’un maniement fluide et défoulant, et innove en introduisant la résolution d’énigmes par l’empalement du corps des ennemis sur des éléments du décor. Une trouvaille insolente, stupide et drôle qui à l’instar de la « gravure étrange » de Killer7, montre que Ed Boon a bien décidé de s’approprier le genre action aventure.

Comme Syd Vicious dégueulant My way, Mortal kombat s’est affranchi de la honte d’être un piètre jeu de combat. Shaolin monks est son trip ascétique vers de nouveaux paradigmes. Plus qu’une fuite des cerveaux, une hémorragie salvatrice, qui démontre qu’être punk, c’est aussi avoir le courage de fuir de chez soi.