Du techno thriller au brûlot cyberpunk, de la simulation par excellence pour espions avertis au shoot’em-up façon salle d’arcade, la monstruosité d’un titre tel que Metal gear solid 2 provient de cette propension à digérer tout un lot de références hétéroclites et de les recracher dans un univers à géodésie variable. Un univers si complexe que le jeu propose différents scénarios et modus operandi en fonction de la connaissance de la série par le joueur pour éviter la saturation dès les premières minutes.

Reste que cette monstruosité de naissance devient le leitmotiv de toute la structure du jeu, comme si cette orgie d’images, de sons et d’interactions qui infiltre toutes les strates de MGS2 (scénario, mise en scène, gameplay) était la solution trouvée par Hideo Kojima pour donner enfin forme à un bouillonnement d’idées, de concepts difficiles à capter, voire à capturer. Résultat : le jeu éminemment baroque est difficilement cernable et risque d’en laisser plus d’un surpris par une telle profusion. Côté gameplay, peu de changements par rapport au premier opus, il s’agit toujours d’infiltrer des bases ennemies, de libérer des otages, d’empêcher l’explosion de bombes, tout en mettant à mal la nouvelle version du « Metal gear ». Sauf que contrairement à la majorité des softs du genre, il ne suffit pas ici de dézinguer tout ce qui bouge mais bien de réfléchir à la manière la plus intelligente d’arriver à son but : endormir un gardien et le cacher dans un vestiaire, le jeter par dessus bord ou se déguiser en soldat ennemi, etc. Dans tous les cas, le manque de discrétion se solde rapidement par une mise en alerte de toute la base et par l’arrivée rapide d’une bonne rasade de soldats armés jusqu’aux dents. Comme dans MGS1, ces phases tactiques sont ponctuées par des événements orientés plus arcade (boss de fin de niveau notamment), chaque ennemi bénéficiant d’une intelligence artificielle redoutable (à noter la possibilité de prendre en otage des gardes et de les utiliser comme bouclier humain).

Mais là où MGS2 se révèle comme objet vidéo ludique hors norme, c’est dans cette gestion du scénario où le joueur est trimballé de cinématiques à la mise en scène baroque (parfois à la limite de la boursouflures ou de la saturation) en révélations plus ou moins crédibles. D’une part, les concepteurs ont retravaillé de fond en comble la totalité des personnages, leur offrant une complexité riche de sens qui tend d’ailleurs volontiers à brouiller les pistes, tandis que le recours incessant au Codec (un mode de transmission par télépathie grâce à des nano technologies) constitue le lien entre le joueur et les autres personnages. Même constat pour les séquences vidéos et les dialogues (parfois à la limite du ridicule) qui tissent les réseaux de connexions entre les différents protagonistes.

Et si MGS2 peut énerver, c’est justement en dynamitant de l’intérieur cette soi disante pseudo-interactivité qui caractériserait le jeu vidéo et en révélant l’amère vérité : le joueur, à l’instar du personnage (même plus Solid Snake mais Raiden, jeune bleu entraîné par la réalité virtuelle), est lui aussi un pion à qui l’on demande de résoudre bêtement et sans arrêt les mêmes actions, organisées selon un scénario scripté, aux frontières clairement définies. Cette distance salvatrice touche à son paroxysme dans les scènes finales où la machine vidéo ludique déraille, jette ses ratés en pâture au joueur qui ne peut que reconnaître sa défaite face une avalanche d’informations contradictoires. There is no exit.

Finalement, cette explosion proprement cataclysmique, cette machine qui produit dans tous les sens et à tous les étages, ce maelström sur-informationnel, parvient à nous remémorer la puissance de l’immersion vidéoludique. Jouissif.