Pour apprécier la série Lost Planet, il vaut mieux d’abord en dissiper les malentendus. TPS mou en apparence, le premier épisodeneprenait déjà son sens qu’en mode de difficulté le plus élevée. Plus dur et intense, le jeu se transformait en shoot frénétique où le joueur, guidé par le besoin de recharger sa barre de chaleur, devait se déplacer continuellement pour tirer sur des ennemis défilant sans cesse. Aussi, jusque dans son IA d’un autre âge et ses patterns à adopter, le jeu n’était rien d’autre qu’un shoot’em up 2D, dont on avait transposé la rythmique et l’intensité dans l’espace 3D, et non pas un Shoot and Cover à la Gears of War. Au deuxième épisode encore, le jeu se révélait injouable en solo face à des boss encore plus gigantesques, mais retrouvait par contre toute sa grâce en équipe, le design étant conçu pour exploiter la co-opération entre joueurs.

 

Après un premier épisode qui s’adressait ainsi aux fans de shoot 2D et un deuxième exclusivement aux joueurs en ligne, c’est encore une autre cible que vise le dernier opus de la série de Capcom : celle des fans de Farming, Eurotruck, Filière Bois Simulator, et tous ces jeux basant leur canevas sur l’ennui et le sérieux, d’où émerge la possibilité ludique de jouir du travail bien fait – quand bien même il s’agit d’un boulot chiant à crever. Oublié le glamour de Lee Byung Hun dont les traits modélisaient le héros du premier épisode, celui de Lost Planet 3 est d’une fadeur à toute épreuve, et correspond à quelqu’un dont l’univers se résume, dixit lui-même, à « sa femme, son gosse et son mecha ». Oublié également le système de recharge qui tournait la série vers l’action pure. Désormais, on part sur la planète EDN III pour gagner sa vie en accomplissant des besognes d’entretien pénibles et dangereuses, remettre des antennes en marche, aller aider des équipes d’ouvriers coincés quelque part ou marquer des œufs d’aliens. Tout cela sur fond de musique country et de messages tendres laissés par votre femme.

 

Le miracle de Lost Planet 3, c’est qu’il se permet de prévenir le joueur de ses lourdeurs (via son boss dont on suit les ordres) tout en restant sur le fond irréprochable. Au milieu de tous ces employés, chercheurs, ouvriers ou mécanos qui se plaignent à défaut de sombrer dans la dépression, le jeu  développe un monde consistant qui fait de la galère le cœur de l’expérience du joueur. Le seul vrai défaut de Lost Planet 3, c’est finalement de ne pas s’assumer jusqu’au bout. Le jeu finit malgré tout par tourner sa trame et son monde de SF vers des balises plus classiques, à coup de traître et de théorie du complot. À ce point de bifurcation, ces défauts du jeu qui n’en étaient pas (répétition, rythme), se révèlent rédhibitoires et achèvent son paradoxe: c’est quand il élève ses enjeux que Lost Planet 3 perd tout son intérêt.