« Sacrifice » (« sacrilège » diraient certains) pourrait qualifier la première impression devant ces Sims 4. Après un troisième épisode gouverné par le fantasme du monde ouvert et du contenu créatif gargantuesque (bien qu’étalé sur plusieurs années et DLC), ce nouvel opus fait office de triste régression. Retour des zones morcelées (avec temps de chargement), suppression du temps professionnel jouable (on attend sagement que son Sim revienne du boulot), absence absurde des incontournables domestiques (voitures, piscines, etc.) et familiaux (élever un poupon). Certes, on s’attend à ce que la plupart de ces fonctions soient retenues en otage par la politique de DLC d’Electronic Arts, la même qui avait abîmé Sim City, l’autre grand rendez-vous déjà manqué par Maxis. Mais qu’une telle poule aux œufs d’or sacrifie autant d’acquis, quitte se mettre à dos ses fans de toujours, signifie sans doute aussi une volonté de remaniement chez ses créateurs, aussi raté soit-il.

D’ailleurs, pour pallier ses manques impardonnables, le jeu prétexte avoir progressé sur d’autres domaines plus importants, moins matérialistes. Outre un lifting graphique, le gameplay semble impliquer plus que jamais dans la lisibilité et l’ergonomie de ses outils, que cela concerne la modélisation des Sims (doser la moindre courbe d’une anatomie en un clic) ou de son habitat (confectionner sa déco à partir de modèles suggérés, type photo Ikea). Certes plus intuitive, cette customisation est surtout gouvernée par une omniprésence du réseau social, où chaque création, parce qu’elle est facilitée par le jeu, doit aussi être partagée, comparée, intégrée à la communauté et jouable par d’autres, dans un souci permanent et démocratique d’échange entre esprits créatifs.

Plus problématique reste la dimension émotionnelle du jeu, elle aussi repensée, et supposée justifier à elle seule ce quatrième épisode. Définis par des caractères et des aspirations plus prégnants sur leur quotidien, les Sims seraient plus à même de réagir avec autonomie aux situations imprévues. Et gagner, par conséquent, en humanité. C’est précisément tout le contraire. Car dans la pratique, cette implication psychologique se traduit par d’innombrables actions contextuelles à réaliser rapidement, pour rester en phase avec l’état d’âme passager (et toujours aussi giratoire) de l’avatar. Paradoxalement, si les Sims bénéficient enfin de capacités multitâches, ils n’ont jamais été autant soumis à la baguette de son utilisateur. Contraint d’enchaîner les commandes à toute vitesse et sans recul, ce dernier doit répondre aux besoins d’épanouissement de son Sim, comme on répondrait à une série de mini-défis dans un jeu arcade. L’acharnement est tel que le jeu passe presque de la simulation de vie au RPG tactique type Pokemon (enchaîner les actions pour faire évoluer sa créature), sans jamais assumer ou justifier cette plus-value. Maxis semble avoir tué le peu qui restait de sa fascination originelle. Celle de se contenter, quelquefois, du plaisir d’entomologiste à observer le résultat de ses décisions, en laissant le temps faire son affaire sur ses poupées cobayes. Plaisir qui se voit remplacé ici par le sentiment pénible, mais obligatoire, de jouer les babysitters démiurges trimant à la chaîne.