Index + a d’abord lâché la production purement culturelle -dommage, mais le marché est ce qu’il est…- pour expérimenter un genre mixte, ludo-culturel. Croisades (dont l’édition 2000 vient de paraître), puis Vikings étaient conçus dans cette optique. Les deux softs ont certes connus dans un premier temps un certains succès public, mais jamais atteint les inconditionnels du jeux, totalement réfractaires à la mixture. Or, c’est bien eux qui font la réussite d’un éditeur et non pas le grand public, imperceptible, aléatoire, indomptable et finalement bien peu sûr. Du coup, comment l’expliquer autrement, l’éditeur revoit sa stratégie et lorgne encore un peu plus du côté du jeu. Pour autant, et c’est fort honorable ma foi, on continue de s’attacher rigoureusement à des histoires, ou plutôt à des contextes connus. Dracula donc, personnage mythique et légendaire de Bram Stoker. Le héros du roman, Jonathan Harker, vous l’incarnez. Seulement, au lieu de nous faire l’adaptation numérique et interactive du roman original, les concepteurs ont pris le parti d’imaginer une suite. Forcément, pour les connaisseurs, c’eut été trop simple… Dracula (résurrection) nous plonge à Londres en 1904, soit sept ans après que le Comte se soit volatilisé en poussière sous les derniers rayons du soleil couchant. Souvenez-vous que Mina, la femme de Jonathan était, à la fin du roman, délivrée du maléfice. Pourtant… un mauvais jour, Jonathan découvre que son épouse normalement purifiée s’est subitement rendue à nouveau dans le château du Prince des Ténèbres en Transylvanie. Ni une, ni deux, le gaillard se lance sur ces traces. Pas vraiment sans heurts puisqu’il devient, malgré lui, le jouet d’une triste et sordide machination. Dracula serait-il encore vivant ? Quoi qu’il en soit, le temps presse : Jonathan doit retrouver Mina avant que le démon qui est en elle la possède définitivement…

Premier acte dans le col de Borgo, en Transylvanie. De quoi faire connaissance avec les autochtones illuminés, tous effrayés et fascinés à la fois par le château et les maintes légendes qui s’y rapportent. L’aventure vous conduit ensuite dans les souterrains avant de faire la visite du château. Et la rencontre du « nosferatu » assoiffé de sang comme jamais.
Difficile de ne pas reconnaître, dès l’intro, la qualité du travail graphique. Le rendu est impeccable, la finesse des textures incroyable et les animations exceptionnelles (a-t-on déjà aussi bien exploité le principe de la « motion capture » ? Pas sûr…). Il faut voir la beauté et la singularité de chacun des faciès visionnés ici sous tous les angles -comment ne pas tomber sous le charme de la tenancière de l’auberge de la Couronne d’or (joli clin d’œil au Bal des vampires de Polanski). Plans rapprochés, plans américains, gros plans, contrechamps, travelling, on n’a pas lésiné sur les jeux de caméra. Pour autant, on regrettera qu’il n’y ait pas davantage d’animations, mais plus encore le fait qu’elles se déclenchent un peu aléatoirement en cours de jeu. Ainsi, lorsque l’on actionne un mécanisme ou que l’on emprunte un escalier, tantôt on y a droit, tantôt il faudra se contenter d’un passage brutal à l’image fixe suivante. Curieux.

Venons-en au jeu proprement dit. Le principe est ultra connu : le joueur déambule dans des décors en 3D précalculés en vue subjective à 360°. On avance au gré des flèches qui s’affichent à l’écran, par sauts de plan. Quand il est possible d’agir sur une partie du décors, le curseur prend une forme particulière. Idem lorsqu’il s’agit d’utiliser un objet récupéré dans le portefeuille-inventaire pour déclencher une action ou un mécanisme. Globalement, la logique est respectée et les différentes énigmes et autres puzzles ne sont pas, comme c’est hélas souvent le cas dans ces aventures interactives, trop alambiquées ou tirées par les cheveux. En revanche, Dracula (résurrection) souffre d’un sérieux déséquilibre au niveau de l’interaction. La participation du joueur est totalement irrégulière dans l’aventure : il n’est pas rare de traverser une bonne dizaine d’écrans sans avoir la possibilité d’agir sur le décor. Pire, il est des objets que l’on jurerait pouvoir activer ou actionner et qui se révèlent être finalement purement décoratifs. C’est l’autre point noir du jeu : les impasses sont trop fréquentes.

L’ennui avec Dracula (résurrection), c’est qu’on oublie jamais qu’on manipule la souris, ni qu’on observe un écran d’ordinateur. C’est à ce point gênant que le comportement de l’individu face à la machine relève plus de celui d’un spectateur que de celui d’un joueur. Or, on assiste pas du tout à la projection d’un film, mais bel et bien à celle d’un jeu ! Me fais-je comprendre ? Bref, on s’ennuie ferme à la longue, d’autant qu’à défaut de scénario et d’intrigue globale, le jeu présente une série d’énigmes qui se succèdent les unes aux autres, celles-ci n’étant pour ainsi dire jamais liées entre elles. Désespérément linéaire…

Au final, souhaitons qu’Index + choisisse vite la voie du jeu, la vraie, celle de l’immersion totale en somme. Parce qu’il y a indubitablement chez l’éditeur d’excellentes équipes, de bonnes idées et surtout, une volonté féroce d’achever au mieux un projet de qualité. Dracula (résurrection), c’est du grand spectacle assurément, mais quand est-ce qu’on joue ? Bien sûr, on va nous reprocher de ne pas nous mettre à la place du public visé. Question : lequel ? Les amateurs de Riven, Ring ou encore L’Amerzone ? Les journalistes de la presse généraliste, ou culturelle généraliste ? Par snobisme, certains vous diront que ces jeux sont intelligents… A leur place donc. Il manquerait plus que ça !