Ca fait longtemps que le FPS n’est plus vraiment un « genre ». Il s’est tellement diversifié, infiltrant discrètement le RPG (The Elder scrolls), le survival-horror (Doom 3), l’action-tactique (Rainbow six), sublimant les grands mythes consoleux (Metroid prime), ou s’aventurant sur des terrains plus expérimentaux (Breakdown), qu’il a peu à peu perdu de sa raison d’être en tant que catégorie vidéoludique à part entière. Le FPS s’est dilué, « totalisé », c’est désormais un point de vue, une arme d’immersion massive qui place le joueur au cœur de l’action en lui faisant vivre les déboires de son avatar de l’intérieur. C’est une histoire de vision.

La vision, justement, c’est le sujet principal de Chronicles of Riddick -dérivé vidéoludique de la fameuse saga B-SF starring Vin Diesel-, l’arme ultime du joueur, prisonnier nyctalope et chauve de Butcher Bay, mégalo-geôle hi-tech inviolable. Voir dans le noir est un atout considérable dans une forteresse qui ne ménage pas ses clairs-obscurs, ses zones d’ombre, véritables oasis de sécurité dans un océan d’impitoyable surveillance. Puisque le port de l’arme à feu nous est quasiment interdit -et pour cause-, il va falloir se débrouiller avec ce don pour s’extirper sans trop de casse de la grosse machinerie carcérale. Un don qui se manifeste d’une manière presque basique, à travers un code couleur discret, distillant sur l’écran une légère teinte mauve lorsque la vision nocturne est activée, bleue lorsqu’on s’est complètement fondu dans le décor. C’est un peu plus fantaisiste que les gris granuleux de la vision infra-rouge de Splinter cell, père spirituel de Riddick, moins évident aussi, plus naturel, presque infantile : je fais joujou avec les couleurs.

Riddick n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se limite à ces parties de cache-cache sobrement bariolées. Le jeu de Starbreeze est, par contre, un peu moins doué pour la boucherie, souvent brouillonne, ou pour les dentelles aventureuses à la Shenmue brassant laborieusement les clichés les plus évidents de la mythologie carcérale. Drogue, gangs, matons pervers, petits coups de surin entre amis… Il ne manque que la savonnette baladeuse sous les douches. A moins que ce ne soit un « easter egg » qui nous a échappé. Pour un jeu qui se vautre parfois sans complexe dans l’imagerie virile la plus suintante, Riddick se la joue, en fait, plutôt cérébral. Sa prison est un espace mental, un casse-tête prodigieux au level-design d’une cohérence exemplaire. Chaque détail, le moindre événement, même le plus anodin, prépare le joueur à ce qu’il attend d’ici quelques minutes, quelques heures : un interrogatoire musclé derrière des barreaux, des containers transportés par voie ferrée, petites fulgurances préfigurant les péripéties à venir.

Socialiser, s’évader, se faire choper, retour à la case départ : le schéma de progression est toujours le même. Riddick parvient tout de même à le décliner en trois variations… et puis s’arrête, brusquement, sur un succès presque déceptif, un affrontement un rien bourrin de quelques secondes, en pleine lumière cette fois-ci. Comme si le genre reprenait ses droits avant une ultime échappée sur fond de ciel embrasé, vers des aventures cinématographiques sans doute beaucoup moins belles et singulières que cette surprenante petite évasion vidéoludique.