Je veux ma catharsis. Retrouver les sensations prodigieusement sauvages d’un bon beat’em-all. Redevenir ce joueur sociopathe adepte de la danse du sabre. Trancher. Tuer. Découper du démon en rondelles. Où sont les successeurs de jeu aussi merveilleusement idiots que Ninja Gaiden ou Onimusha 3 ? Rien d’excitant ne se profile à l’horizon. Heureusement, il existe un palliatif : le hack’n’slash, sorte de RPG light boosté aux hormones mâles qui pousse le joueur à génocider pour assouvir ses pulsions consuméristes. Je tue, je pille, je vends, j’achète. Jusqu’ici, le hack’n’slash masquait tout de même son essence première derrière l’esthétique plus ou moins académique de la fantasy bien propre sur elle. Diablo, ou Baldur’s gate : Dark alliance ont beau représenter les fleurons du genre, ils ne faisaient qu’effleurer les véritables enjeux du hack’n’slash. En plongeant dans les eaux plus troubles, plus glauques, mais aussi plus baroques du monde d’Everquest, Champions of Norrath sort le genre du placard, pousse sa logique guidée par la fièvre acheteuse dans ses derniers retranchements, avec ses costumes surchargés et ses guerrières pin-ups. Quelque part entre un Tolkien chamarré et un Bret Easton Ellis médiéviste. Puisqu’il n’y a pas de narration, ou si peu, puisqu’il n’y a pas de fin en soi, si ce n’est celle de monter de niveau jusqu’à l’indigestion, on peut enfin s’épanouir dans la recherche du Graal ultime du hack’n’slash, surtout lorsqu’il se complaît dans un univers aussi soucieux de son apparence que celui d’Everquest : trouver la panoplie de barbare idéale, parfaitement assortie, autant au niveau des caractéristiques associées qu’à celui des coloris. Etre fashion, envers et contre tout. L’enjeu peut paraître trivial, à l’image d’un genre finalement assez superficiel, monolithique et irrationnel -comment une petite araignée peut-elle lâcher une armure en fonte une fois réduite en bouillie ? Il fallait donc, au minimum, une compensation vestimentaire pour nous motiver, nous pousser à faire et refaire un jeu parfois bancal, qui ne trouve son équilibre qu’en milieu de partie. Lorsque la machine à idées s’emballe, que les environnements se suivent sur un rythme trépidant sans aucune cohérence esthétique, mais avec une constance digne des pires péplums dans le kitsch le plus dévergondé. Une belle fuite en avant un rien gâchée par une mise en bouche un peu trop convenue et un final bâclé. Champions of Norrath n’est rien d’autre qu’un passe-temps frénétique pour joueurs désirant jouer à la poupée -ou être bien fringués. Jusque-là, on pensait qu’il n’y avait pour les gamers-victimes-de-la-mode que les résidus de RPGs pour fillettes made in Square-Enix ; désormais, il y en a aussi pour les bourrins…