Elle est loin la glorieuse époque du rail shooter. Ressuscité avec les débuts de la Wii, rapidement croisé avec l’arrivée du PS Move, on ne s’attendait pas à revoir le genre aujourd’hui sur PS4, qui n’a jamais mis vraiment en avant les fonctions gyroscopiques de sa manette. On s’attendait encore moins à voir un jeu venir de France pour tenter de réchauffer nos souvenirs d’adolescent en arcade. C’est pourtant de Paris que vient Blue Estate, tentative délibérément nostalgique surfant sur la petite notoriété du House of the Dead: Overkill. Sauf qu’il n’est plus si simple de s’engouffrer dans la vulgarité décomplexée du bis, lessivé jusqu’à la corde. Avec son esthétique Grindhouse, son humour badass, et ses références permanentes au cinéma (Matrix, John Woo…), Blue Estate arrive avec une à deux bonnes décennies de retard. D’emblée, son ton, son ambiance, ses punch lines, ses citations, et même son rendu (PS3, tout juste), sont définitivement has been. Bien que le jeu s’inspire d’un comics éponyme lancé en 2011, il y a quelque chose ici du fan film potache, venu d’on ne sait trop quel trou paumé qui aurait coupé toutes communications depuis des années. On pourrait bien sûr renverser le point de vue, et dire, au contraire, que le jeu tente de retrouver ce qui faisait le bonheur des années 1990, cette euphorie cinéphile partant puiser dans les 70’s une manière de casser les codes de la pop culture de son époque. Mais le petit revival, tout aussi sincère qu’il soit, donne plutôt l’impression d’une immaturité qui se traine comme un boulet ses vieux gimmicks.

Un peu lourd, mal dégrossi, ou carrément bloqué sur son compteur, Blue Estate échoue aussi, sinon d’abord, à être un bon rail shooter – un comble pour un jeu visant à retrouver le parfum d’une époque où les mains suaient sur les uzis en plastique. Répétant les défauts de son modèle, il fait durer les niveaux, forcément trop longs, et donc contradictoires avec ce que doit être le genre : court, intense, difficile. Le rail shooter, en bon jeu d’arcade, fonde son identité sur la mémorisation des patterns, et la rapidité à jongler avec. Blue Estate étire tout (impossible de retenir quoique ce soit), et doit en plus se passer d’une arme pour tirer et viser. En le remplaçant par le DualShock et un réticule, l’exercice se résume presque à jouer à la souris, avec des ennemis plantés comme des piquets devant l’écran durant plusieurs secondes. Ce n’est pas plus son système de couverture (déjà vu dans Time Crisis 4), ni ses bonus ou armes qui n’aident à rehausser la copie. Le jeu manque de rythme, se limitant à enchainer mollement les head shots, avec quelques accélérations, parfois. L’essence du rail shooter, le charme des crampes dans les bras à force de tenir l’arme devant soi, ce rapport presque physique au jeu, tout ça est ici pour de bon balayé, rendu à un pire gameplay que la Wiimote – elle au moins permettant de retrouver, à force d’accessoires prenant désormais la poussière, ce que furent Virtua Cop et autres House of the Dead.

Pourtant, Blue Estate n’est pas nul et mérite presque le coup d’oeil. Pour sa mise en scène, ses transitions, les déplacements du personnage, le jeu fourmille d’idées, transformant les décors en partie de cache-cache géant à plusieurs niveaux. L’envie de refaire un Stanglehold à petit budget est là. Elle est honorable. Il manque seulement les bases, de l’audace, une identité.