Après son concert époustouflant au festival IDEAL 2004, « The Ledge » se prête au jeu de l’interview, tout en nous précisant, couteau à l’appui, qu’il va manger des pommes. Est-ce un syndrome texan ? Il a parfois du mal à faire deux choses en même temps, c’est-à-dire peler sa pomme et répondre aux questions…
Chronic’art : Ton premier single, Paralyzed, sonne encore très sauvage en 2004, comment a-t-il été perçu en 1968?
The Ledge : C’a été perçu, par certaines personnes, comme une porte qu’on leur claquerait en pleine face. Certains ont aimé ça, d’autres ont adoré et d’autres encore ont réellement détesté… Pas d’autres réactions, en fait : ils adoraient ou ils ne supportaient pas mon disque… Il y a des gens qui ont pris ça de manière très personnelle: ils pensaient que je me moquais d’eux. Il y a une partie du public black qui a aimé aussi et j’ai eu quelques fans parmis eux. Globalement, ça plaisait surtout aux kids, mais j’avais également un fan de 94 ans dans l’Arkansas.
Ce disque a été classé dans les charts ?
Oui. J’étais à la 98e place dans le Billboard 100…
Est-ce qu’on peux te comparer à Hasil Adkins ? Tu as un style proche du sien…
Quand as-tu découvert Hasil Adkins ? Quelle chanson ?
J’ai d’abord entendu la reprise de She said par les Cramps, puis j’ai découvert l’original sur une compilation…
Oui, c’est vrai. C’est sorti en 1984 sur le label Big Beat Records. Ca s’appellait Rockabilly psychosis garage disease ! On était aussi sur cette compilation. C’est donc là que tu as entendu Hasil Adkins ? C’est sans doute là que tu as aussi entendu The Legendary Stardust Cowboy ! C’est merveilleux ! Tout a fait merveilleux ! (rires)
J’ai rencontré Eugene Chadbourne, il y a quelques années, tu as fait un disque avec lui qui s’appelle I’ve been everywhere. Il me disait que c’était difficile de travailler avec toi. Pourquoi ?
En fait, pour préparer cet album, je me suis enregistré sur un radio-cassette : j’ai joué du Bugle (sorte de trompette, ndlr), j’ai fait quelques cris et imitations et j’ai envoyé ça chez lui, à Greensboro, en Caroline du Nord. Il s’est contenté d’ajouter ses parties pour faire le disque. C’est tout ce qui s’est passé…
Vous ne vous êtes jamais rencontrés ?
On s’est vus à New York et à Las Vegas. On a joué ensemble dans un endroit qui s’appelle « Girlie’s folk » à New York. C’est tout. [depuis un moment, tout en parlant, il fouille son carnet d’adresse] Tiens, voilà son adresse et son téléphone, tu devrais lui poser la même question.
Sur ton nouvel album, Tokyo, tu reprends Space oddity de Bowie. Est-ce parce qu’il vient de reprendre un titre à toi ?
Mercury lui a envoyé mon morceau I took a trip (in a Gemini spaceship) car, en 1965, il venait de signer sur Mercury. En fait, il lui ont donné mes trois singles du moment et, en rentrant à Londres, il les a écouté et ca l’a rendu dingue ! C’est récemment qu’il a décidé d’enregistrer Gemini spaceship, sur son CD d’il y a deux ans : Heathen. C’est produit par Bill County, qui joue aussi dans son groupe. David Bowie a fait une belle version : la première fois que je l’ai entendue, j’ai presque pleuré car elle sonnait bien mieux que la mienne. Sur ma version, c’est T.Bone Burnett qui joue. Il joue du vibraphone, de la batterie et d’autres instruments… Il a eu un Grammy Award pour sa musique, tu sais…
As-tu toujours ton « passeport universel » ?
Oui ! Mais je l’ai laissé chez moi, à San Jose, en Californie. Il est en plastique et il n’y a qu’un seul exemplaire qui existe. Je suis la première personne à avoir été habillité à voyager sur Mars !
Anthony Philputt a fait Cotton pickin’ smash, un film sur toi. Est-ce qu’on le verra un jour en France ?
Il était projetté récemment dans une ville… Je ne me souviens pas du nom. Ce n’est pas ici, je le sais. Je ne pouvais pas y être car j’étais à Paris. Tu ne l’as jamais vu ? Je te l’enverrai alors. Le type qui a fait ca vit à Hollywood, il sera content de t’en envoyer une copie.
Il y a toujours un membre des Dead Kennedys dans ton groupe ?
Oui. C’est Klaus Flouride, mon bassiste. Il faisait partie des Dead Kennedys dès l’origine. Il m’accompagnait aussi sur mon disque live, Live in Chicago 1998.
Quand j’écoutais le concert, je me disais que ta musique était restée la même depuis les années 60 : quel est ton secret ?
Je me contente de faire mon truc, quoiqu’il arrive. Je n’ai pas de plan préétabli et je me présente tel que je suis sur scène.
Oui, d’ailleurs, je me demandais comment tu avais appris à danser…
[Assez fier] J’ai appris tout seul ! Quand j’étais gosse, je n’écoutai qu’Elvis Presley et Tom Jones et ça m’inspirait. Peu à peu, j’ai mis au point ma propre danse, en seulement quatre ans. C’est une danse où les pieds sont importants, comme dans les danses folkloriques. J’ai appelé ca le « Cowboy Twist » mais j’ai aussi developpé ce que j’apelle le « Taliban Stomp ». C’est une danse où tu saute sur les Talibans. On devrait sauter à pieds joints sur tous les Talibans d’Afganistan… [un ange passe] Tu entends cette musique, là ? [il se lève, me fait signe de venir à la fenêtre qu’il vient d’ouvrir] Ca fait plusieurs heures qu’il joue de son truc. Tu sais ce que c’est ? Tu aimes ça ?
C’est de la musique bretonne. Je n’y tiens pas trop, en fait…
Ok. [il jette le trognon de la pomme qu’il vient de finir par la fenêtre] Viens voir, regarde ma pomme s’est éclatée sur la voiture verte en bas ! [il a l’air content]
Pas mal ! Revenons à toi : ta facon de chanter me rappelle celle de Mayo Thompson, leader de The Red Krayola, surtout sur son disque solo Corky’s debt to his father. [je lui montre le disque] Ca a été enregistré au Texas, tu connais ?
Je n’ai jamais entendu parler de lui. Je suis désolé.
Tu me disais que tu étais fan d’Elvis Presley et de Tom Jones…
Oui, les deux, à égalité.
Tu as une voix très différente de la leur. Aurais-tu aimé chanter comme eux ?
Non. J’ai ma propre voix, je n’ai pas besoin d’essayer de chanter comme quelqu’un d’autre. Et ma voix me fait une bonne publicité.
Qu’as-tu pensé des concerts des autres artistes ?
Je n’ai pas eu la chance de voir qui que ce soit car je suis resté dans les loges toute la soirée à me mettre en condition pour notre propre show. Maintenant, je suis prêt à voir ce que font les autres.
Etais-tu déjà venu en France ?
Il y a vingt ans, j’étais venu à Calais, en Normandie. On ne faisait que passer. J’étais accompagné des membres du Gun Club, tu sais, le groupe de Los Angeles. C’était le groupe qui m’accompagnait à l’époque, nous ne faisions que passer, de Rotterdam à Londres. J’étais donc venu en France, mais c’est la première fois que j’y joue. Tu as donc vu l’Histoire en train de se faire ! (rires) L’Histoire dans les faits !
Ton show était très bon hier et le public réagissait beaucoup. Ca se passe toujours comme ça ?
Très souvent. Quand on passe quelque part, les gens apprécient.
Jouer devant des francais, c’etait différent.
Non. C’était comme de jouer à Chicago : les gens étaient très bien. J’ai rencontré beaucoup de fans.
Une dernière question, si je peux me permettre. Quand je t’ai vu sur scène, je me suis dit : est-il fou ou fait-il semblant ?
Honnêtement, je pense qu’il y a un peu des deux ! Hélas…
Propos recueillis par
Lire notre chronique de Tokyo
Lire notre compte-rendu du festival IDEAL 2004
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