Nouveau brûlot du studio de développement le plus excitant du japon et de son gesticulant patron, Suda51, No more heroes 2 est aussi leur première séquelle directe et assumée comme telle. L’occasion pour Chronic’art d’interroger la « Suda way of art ».

Chronic’art : Qu’est-ce que signifie à vos yeux « être un héros » dans nos sociétés contemporaines ?

Suda51 : Assumer son authentique et inaltérable part d’humanité.

Beaucoup de vos personnages (ceux de Flower, sun and rain ou Killer7 pour ne citer qu’eux) créent leur propre mythologie. Est-ce un trait qu’on peut lier à votre passion pour le catch ?

Il y a de ça, oui… Mais plus important encore, le catch professionnel repose entièrement sur un dialogue constant avec le public. A son plus haut niveau, la mythologie du catcheur doit dépasser l’imagination de ses spectateurs. Quand je crée des jeux, je pense que j’établis un dialogue avec le joueur. Un dialogue moins physique que le catch… plus cérébral.

D’un point de vue de l’univers auquel il appartient et de sa mythologie, quel est votre assassin favori dans No more heroes 2 ?

Il s’appelle Ryuji, il évoque la tradition martiale japonaise traditionnelle. Je l’ai mis en scène dans une bataille sans dialogue, absolument muette. C’est la première fois que je me sentais capable d’illustrer cet héritage esthétique qui conjugue la granulosité et un type de brutalité typiquement japonais.

Contrairement à No more heroes, Killer7 et Flower, sun and rain étaient des titres littéralement saturés de dialogues obscurs et symboles sibyllins…

C’est vrai. La façon dont je conçois mes jeux suit un processus réactif par rapport à mes travaux précédents. Avec No more heroes, je voulais faire un jeu plus direct, moins cryptique. Il s’agît pour moi de rester toujours créatif, en l’occurrence de ne pas trop longtemps utiliser les mêmes méthodes narratives.

Beaucoup de joueurs tentent des analyses sur certains de vos scénarios les plus exigeants et amènent par le biais des forums des théories et des interprétations fécondes, brillantes. Y êtes-vous attentif ?

A mon niveau, une fois le jeu sorti dans le commerce, il ne m’appartient plus mais uniquement à ceux qui s’y adonnent. En cela, c’est très stimulant intellectuellement pour moi de savoir que les joueurs s’approprient le scénario, lui donne un nouvel éclairage. J’écris délibérément dans le but de fournir une matière sujette aux interprétations.

Justement, d’un point de vue narratif quel jeu vous a le plus impressionné dernièrement ?

Sans hésitation, je dirais Heavy rain ! C’est amusant parce que c’est un titre qui obsède beaucoup de game designers en ce moment. Et que des créateurs de jeux parlent autant d’un titre qui n’est pas le leur constitue en soi un bel événement.

Entre les deux No more heroes, vous avez supprimé l’open world pour ne laisser qu’une simple carte. Un choix étrange…

J’ai longtemps retourné le problème dans ma tête. Il fallait que je prenne cette décision. Si j’avais pu, j’aurais fait de Santa Destroy une suite de plusieurs villes très réalistes grouillantes de passants.

Les jeux open world représentent la tendance lourde de l’industrie en ce moment. Ca vous inspire en tant que créateur ?

Oui, énormément. Les open world représentent la plate-forme d’expression parfaite pour dépeindre un contexte historique et politico-social. D’ailleurs, j’ai le désir d’emprunter cette structure pour récréer la période des guerres civiles qui ont secoué le Japon.

Nous vous savons grand cinéphile et fan de Jodorowsky, de Wenders, de Miike… vous avez par ailleurs déclaré votre admiration pour le travail d’adaptation vidéoludique de Rockstar sur The Warriors de Walter Hill. Si l’on vous en donnait les moyens, quel film projetteriez-vous d’adapter en jeu ?

Je choisirais Crazy thunder road de Sogo Ishii. J’en ferais un jeu d’action d’une violence très intense. J’adorerais également pouvoir reprendre l’histoire et l’univers de Young americans de Danny Cannon. En ce moment, mes envies créatives me portent vers un jeu dont le personnage principal incarnerait un détective.

Finalement, quel genre de héro êtes-vous, Monsieur Goichi ?

Je ne suis pas un héro (rires). Je suis rien de plus qu’un être humain.

Propos recueillis par

Lire notre chronique de No more heroes 2 : Desperate struggle