Alors que la récente conférence sur l’emploi n’en finit pas de faire des remous, il existe en France un mensuel qui a décidé d’agir efficacement contre le chômage. Ce journal, c’est l’Emploi en direct, un mensuel qui se veut l’intermédiaire entre les entreprises qui souhaitent embaucher et les demandeurs d’emploi.

Une formule originale en ces temps de marasme économique qui soulève quand même quelques interrogations. Tout d’abord, n’est-ce pas un peu profiter du désarroi des gens que de faire payer les annonces ? On peut aussi se demander pourquoi ce genre d’initiative ne se retrouve pas du côté de l’ANPE ou des services publics concernés ? Pour répondre à ces questions nous avons demandé à Benoît de Mugriet, responsable des entreprises pour le journal de nous expliquer la philosophie du magazine et de nous présenter les grandes lignes de son concept.

Tête de l’art : Comment est né l’idée d’un magazine comme le vôtre ?

Benoît de Mugriet : Nous sommes partis d’un constat simple qui provenait du ministère du travail : il y a en France 420 000 offres d’emplois non pourvues. Nous nous sommes demandés pourquoi et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait un déficit de communication entre deux cibles, celles des personnes qui recherchent activement un emploi et celles des employeurs demandeurs, notamment les PME-PMI. C’est le marché caché. C’est à dire que ce sont des entreprises qui ne font appel ni aux journaux, ni au cabinet de recrutement car ça coûte cher. Nous avons donc conçu un outil de communication envoyé gratuitement aux entreprises.

Que trouve-t-on dans ce magazine?

Ce journal n’est composé que de mini-CV de candidats au travail. Ce sont des gens qui s’investissent dans leur recherche d’emploi. Cet investissement atteint un tel point que les annonceurs payent leurs annonces. Pour 300 F, ils ont droit à 3 parutions dans l’Emploi en Direct. Ce sont majoritairement des chômeurs, mais le journal est aussi ouvert aux personnes qui souhaitent changer d’activités ou d’entreprises.

Comment sont sélectionnées les entreprises qui reçoivent l’Emploi en direct ?

Nous nous sommes adressés à un cabinet spécialisé pour leur demander de cibler des entreprises selon trois critères. Le premier est qu’il fallait que ces entreprises touchent tous les secteurs d’activité. Le deuxième critère était qu’il fallait qu’elles aient un effectif supérieur à 9. Le dernier critère, enfin, concerne la santé financière. Nous avons choisi des entreprises qui réalisaient des scores financiers supérieurs substantiels. Donc, à partir du fichier global des entreprises d’Ile-de-France qui comprend environ 400 000 entreprises, le cabinet a pu en dégager 40 000, correspondant à ces critères. Parmi elles, 80% vont de10 à 50 personnes. Ce qui n’exclue pas les grandes entreprises, mais nous constatons que notre journal est plus un outil de recrutement pour les PME.

Concrètement, comment votre journal fonctionne-t-il ?

Le candidat peut se procurer le journal en kiosque, dans lequel il trouvera toute les modalités pour passer son annonce. Sur demande, ils peuvent obtenir une facture, car dans certains cas, et sous conditions de ressources, les ASSEDIC peuvent prendre en charge le montant de l’annonce. Les candidats ont la garantie d’un journal qui a pignon sur rue, et de plus, mois après mois nous ajustons la liste des entreprises qui recrutent en fonction des grandes tendances de l’emploi. Comme le multimédia actuellement. Pratiquement, les candidats laissent leur numéro de téléphone dans l’annonce, comme ça le recruteur peut les contacter directement.

Avez-vous déjà des résultats ou des statistiques ?

En mai 97, nos premières enquêtes, menées directement auprès des candidats, donnaient 41% de personnes contactées 3 fois et sur celles-ci, 57% avaient été invités à des entretiens. Nous venons de faire un nouveau sondage qui donne 64% d’annonceurs contactés en moyenne deux fois, et la moitié d’entre eux ont eu deux entretiens. Nous servons vraiment d’intermédiaire entre les chercheurs et les demandeurs.

Quels sont vos rapports avec l’ANPE ?

Nous ne souhaitons pas êtres des concurrents de l’ANPE et nous ne nous considérons pas comme tel. Le problème du chômage est suffisamment important pour que chaque initiative soit développée et complémentaire. Mais l’ANPE à globalement du mal à nous accepter, car nous demandons 300 F aux demandeurs d’emploi. Ils doivent penser que c’est une approche mercantile. Mais il faut bien savoir que si des entreprises utilisent ce journal et convoquent des candidats, c’est qu’ils savent qu’ils ont payé 300 F. Cela les crédibilisent. Car celui qui se trouve dans une situation difficile et qui dépense cette somme, est forcément quelqu’un qui s’investit dans sa recherche.

Justement, à propos du prix, n’est-ce pas quand même un peu dur de faire payer des demandeurs d’emploi ?

Nous avons fait des études comparatives sur tous les tarifs d’annonces publiées dans les journaux, et nous sommes de très loins les moins chers. C’est vrai que 300 F c’est toujours une somme, mais c’est le prix de 100 timbres, et encore on ne compte ni le papier, ni les enveloppes et ni le temps passé. Trois parutions revient à un mailing de 120 000 lettres sur trois mois. Ca fait un prix unitaire de lettre à moins d’un quart de centimes. On ne peut donc pas dire que c’est cher.

Propos recueillis par