On a d’abord découvert l’électronique de Mondkopf en concert, ahuri par le gros bloc massif qu’elle constitue, entre terrorisme rave et nappes shoegaze. Depuis peu, on retrouve au fur et à mesure des sorties quelques uns des morceaux qui en formaient l’essence vibrante, entre autres élans qu’on lui soupçonnait moins (ces relaxes ambient entre Tangerine Dream et Brian Eno). Sans trop d’éléments pour saisir une identité musicale assez fugitive, on s’y essaie au calme avec lui, autour de son nouveau disque, Galaxy of nowhere.

Chronic’art : Que signifie « Galaxy of nowhere » pour toi ?

Mondkopf : Je voulais un titre un peu vague qui évoque l’ailleurs, l’inconnu mais aussi notre monde, celui où l’on vit qui n’a finalement pas beaucoup de sens. C’est aussi le monde que l’on se fait dans sa tête et qui n’appartient qu’à soi, où il est bon de s’enfermer par moments.

Le disque raconte une histoire ?

J’espère surtout qu’à l’écoute, les gens se feront leurs propres histoires, leurs propres aventures. C’est d’abord une ode à l’autisme, et à la création imaginaire.

Justement, tu explores beaucoup l’imaginaire de l’enfance dans ta musique, c’est une période qui t’inspire ? On jurerait que ton moniker vient de là…

Mondkopf s’est créé au lycée. C’était un enfant à tête de lune, une référence aux enfants lunaires des contes mythologiques. Donc oui, c’est une période qui m’inspire.

Les field recordings qu’on entend en début et en fin d’album (qui évoquent une cours de récréation), c’est un clin d’oeil à cette période ou bien tu leur attribues une autre signification (on sent une certaine tension dans la musique que tu joues par dessus…) ?

Le rire des enfants qui jouent dans une cours compte parmi les choses les plus rassurantes qui puissent exister. J’ai justement voulu introduire et conclure par celui-ci pour relâcher la tension sur le reste de l’album, comme un repos bienfaiteur. C’est aussi une manière de créer une boucle à l’écoute : si tu laisses le disque en repeat, il reprend comme il a commencé. Le disque est ainsi à l’image du monde de l’enfance, fermé sur lui même.

On croise aussi quelques figures chrétiennes dans ta musique (Sainte, Christmas, Ave Maria)… Tu attribues une dimension religieuse à ta musique ou c’est juste quelque chose que tu aimes explorer ?

<>Tu oublies Libera me… Oui, j’aime bien la musique religieuse, cette élévation qu’on peut ressentir en l’écoutant, c’est aussi un peu ce que j’essaie de transmettre avec ma musique.

D’une manière plus générale, qu’est-ce qui t’inspire quand tu composes un morceau ? A quoi penses-tu ?

Souvent, j’ai un rythme en tête avec des sons particuliers. Je commence très rarement par la mélodie finalement. Après, ça évolue un peu aléatoirement suivant l’inspiration. Tout vient assez naturellement sans que j’y réfléchisse trop. Mon cerveau pioche parmi mes influences comme un compositeur parfumeur qui aurait devant lui ses différentes essences naturelles et les allierait ensemble.

Si je dis « renouveau electronica », c’est quelque chose auquel tu t’identifies ?

Aucune idée. L’electronica a toujours existé, c’est juste moins la révolution et les filles en furie aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Là, je m’identifie plus au renouveau du disque laser avec boîtier cristal qui se casse dans le sac à dos (oui, mon album sera comme ça) !

On a parfois l’impression chez toi que l’electronica est un point de départ vers plein d’autres choses (la trance, le hip-hop, l’ambient, etc.). Ce sont des choses que tu écoutais pendant l’écriture ?

Ce sont des choses que j’écoutais bien avant l’album. Après, quand je fais de la musique, je ne me dis pas « je veux faire de l’electronica », même si c’était un peu le cas pour mon premier album en 2006 (« Un Eté sur l’herbe » sur Annexia records, ndlr). Aujourd’hui, je dois surtout en garder une manière de travailler les textures…

Quels sont les artistes qui t’ont donné envie de faire de la musique dans ce cas ?

En ce moment, on me pose souvent cette question et j’ai tendance à répondre par des noms précis, mais je crois que c’est vraiment la musique en général. Je n’ai hélas que ça dans la vie. Après, ce sont davantage des albums que des artistes qui me servent de modèle. Je pense à Endtroducing de Dj Shadow, à Body riddle de Clark, The Shining de J Dilla, qui sont tous des défis pour moi. C’est vraiment le genre d’albums que j’aimerais faire. Bon, j’aimerais aussi pouvoir écrire un Litany d’Arvo Part ou un Requiem de Fauré mais n’ayant jamais étudié le solfège, ce désir est assez compromis…

Et aujourd’hui, quels sont les artistes auxquels tu t’identifies ?

Je ne sais pas trop si je m’identifie mais Clark, c’est un peu mon âme soeur musicale par moments. Dans une certaine mesure, je pense également avoir une vision musicale assez proche de celle de Nil Hartman (oui, faut dire son nom en entier maintenant). On ne réalise peut-être pas la même musique techniquement mais dans l’intention, on s’en rapproche. Par contre, je n’ai pas trop envie qu’on m’inscrive dans une scène. Il y a eu une époque où l’idée de scène était cool mais maintenant, je trouve ça vide de sens.

Chose étonnante pour la musique que tu développes, tu te produis régulièrement en concert. Ces derniers représentent quelque chose de particulier pour toi ?

C’est une occasion de rendre mes morceaux encore plus puissants et physiques. Par là, je n’entends pas forcément dansant même si, quand il s’agit d’un contexte club, j’ai tendance à tourner mes sons vers le dancefloor. Quelque soit son schéma, j’essaie de raconter une histoire à travers la musique. Un concert, c’est toujours un partage de soi… Et puis, c’est aussi une occasion d’écouter ma musique très, très fort !

La trajectoire de tes concerts semble assez libre : tu engages avec du downtempo pour finir en trance à 170 bpm. Quelle part d’improvisation t’accordes-tu ?

Je ne sais pas si c’est très libre parce que je prévois la trajectoire du live avant de jouer. Je le prépare chez moi, j’arrange la structure des morceaux et leur ordre pour, en direct, ne me concentrer que sur les effets et la réinvention de la dynamique. Mais bon, honnêtement, quand je vois un concert, je me fiche de savoir si le mec improvise ou pas, tant que ce qui en sort est bon. Ne pas improviser ne signifie pas ne rien faire ! Pour moi, un bon live électronique, c’est surtout parvenir à marquer les gens, à leur offrir quelque chose de différent, pourvu qu’ils aient plaisir à le recevoir.

Des projets à annoncer pour la suite ?

Je forme un duo avec un ami, avec qui on a réalisé pas mal de Dj-sets sous le nom Disco Dawn Boys. Pour l’occasion, on a commencé à produire des morceaux plus orienté dance music et aujourd’hui, on développe un live sous forme de jam techno à quatre mains qui m’excite carrément où, justement, l’improvisation tiendra une place plus importante. Sinon, je suis en train de travailler sur la bande originale d’un film, c’est un petit rêve qui se réalise. Enfin, j’essaie de conquérir désespérément le cœur d’une fille et ça, c’est du projet de vie !

Propos Recueillis par

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