Actualité chargée pour le fils Depardieu. Il a débuté il y a quelques jours le long tournage (6 mois sont prévus) du nouveau film de Léos Carax, Pola X, attendu pour 98. En attendant, on pourra le voir fin octobre aux côtés de Clotilde Courau dans Marthe ou la promesse du jour, de Jean-Loup Hubert, et un peu plus tard dans le nouveau film de Pierre Salvadori, Comme elle respire, avec Marie Trintignant. Tête de l’art a rencontré Guillaume Depardieu à l’occasion de la sortie du dernier Mocky, Alliance cherche doigt.

Tête de l’art : On ne vous a pas revu sur grand écran depuis le succès des Apprentis de Pierre Salvadori. Comment s’est fait la rencontre avec Jean-Pierre Mocky ?

Guillaume Depardieu : Très simplement en fait, j’ai de la chance, j’ai des hasards intéressants. J’avais besoin de manger à cette époque-là, on m’a appelé, on m’a dit : « Veux-tu faire un Mocky ? ». J’ai répondu que je ne connaissais pas, car je suis jeune. Nous nous sommes rencontrés, et ce type est tellement hallucinant que j’ai dit : « On y va, allez, on y va direct… »

Vous n’aviez jamais vu un seul de ses films?

Si, j’avais vu un truc qui m’a marqué, À mort l’arbitre. Je me demandais comment on peut tenir une heure et demie sur ça ! Et il l’a fait, merci Serrault, merci Mitchell et merci à son énergie à lui, quoi… Parce que tenir 1h30 sur un sujet aussi pauvre…

Est-il fidèle à sa réputation d’anar bordélique et est-il vraiment aussi libre qu’il le laisse croire?

Ouais ! Peut-être un peu trop parfois. C’est difficile de parler de Mocky. En fait il faudrait le filmer, le regarder, voir comment il fait les choses, mais c’est vrai qu’il est extrêmement libre. Il a à la fois l’art de vouloir être riche alors qu’il est pauvre… alors qu’il est riche en fait (bien sûr…). C’est comme cette phrase : « Je m’applique volontiers à penser aux choses auxquelles je pense que les autres ne penseront pas »! Lui, il est vraiment dans cette énergie-là ! J’ai vraiment envie de lui dire cette phrase, peut-être que ça améliorera les scénarios pour la prochaine fois !

Justement, le film terminé correspond-il au scénario que vous avez lu?

Ah non ! Mais malgré le scénario tel qu’il était -que j’estime pas assez travaillé-, et quand on voit l’énergie qu’il déploie sur le plateau, on se dit qu’on peut tout faire. Tout est possible, tout est permis. Alors voilà, on a essayé de faire ce que l’on a pu, je pense qu’au final c’est du Mocky… réussi, ce qui est déjà pas mal (sourire).

Est-ce qu’il y a eu des clash avec Mocky sur le tournage?

Non ! Tu ne peux pas aller au clash avec Mocky, t’as pas envie, c’est peut-être ça sa force, t’as envie de le laisser faire et de donner le meilleur de toi-même et c’est tout ! C’est quand même beau, non?

Justement, Mocky vous compare à un James Dean ébouriffé, cela vous flatte, vous fait rire?

Ca me fait rire, oui !! C’est vraiment un personnage, lui, il est trop… Il me bouleverse, ce type-là. Moi, je suis ravi d’avoir participé à cette aventure, ça manque tellement, cette folie. Tout est trop poli, trop retouché… Je lui pardonne tout à ce mec-là parce qu’il a une véritable énergie, une énergie pure.

Pensez-vous que ce soit cette énergie qui fait qu’il soit toujours là, bon an, mal an après quarante films, même s’il ne surfe pas au sommet du box-office?

Il subsiste hein ! Il se suffit à lui-même, il a son public. Je ne pense pas que ce soit un assisté.

Mocky, tout comme Salvadori, ont été acteurs avant de passer à la réalisation. Est-ce un plus sur le plateau?

Ce qui est très drôle avec Mocky, c’est qu’il veut toujours jouer les scènes et comme il est pudique, il dit (Guillaume Depardieu imite tendrement Mocky) : « Ah non ! Là, je fais le comédien, il ne faut pas que je le fasse, je suis réalisateur aujourd’hui ». Il est très drôle… Avec Salvadori, ça se transforme en une espèce de tyrannie vis-à-vis des comédiens. Quand il n’entend pas sa « musique », il est fou furieux, mais c’est normal, il passe tellement de temps à écrire. C’est plus difficile avec lui. Pierre, c’est mon frère, il m’a fait confiance, je suis un peu dans la situation du p’tit frère, j’apprends toujours avec lui.

Tous vos personnages de cinéma sont à l’image du titre de votre précédent film -des « apprentis », musicien dans Tous les matins du monde, et tueur à gage dans Cible émouvante. Cette fois-ci, vous incarnez André, un jeune homme en apprentissage d’une vie qu’il n’a pas choisie… Simple coïncidence?

C’est un type qui ne fait pas ce qu’il veut faire (rire…), effectivement il y a une notion d’apprentissage là-dedans… Ce type doit reprendre une agence matrimoniale alors qu’il est ethnologue, il accepte parce que c’est sa mère qui lui offre. Le film nous dit : « oui, il est avec sa maman, il est homosexuel… ». C’est un peu cliché… même beaucoup, je trouve, mais bon… C’est un œdipe mal résolu. Pour un ethnologue, être à la tête d’une agence matrimoniale, c’est drôle, car il peut rencontrer des cas intéressants.

Confirmez-vous votre envie d’arrêter le cinéma?

En tant que comédien, oui, après le tournage du film de Jacques Dorffman, Vercingétorix

Et si Mocky vous propose le scénario du siècle?

(Rires…) Je lui dis : « Vas te faire foutre ! Prends quelqu’un d’autre, il y a plein de jeunes mecs qui ont envie de ça, moi j’ai vu, ça va, basta ! ». Maintenant, j’ai envie d’écrire, faire le jeu, c’est moi qui dirige… A la baguette, j’suis un p’tit tyran, moi (rires). Pour le moment en tout cas, c’est comme ça. Je me donne deux ans pour voir ce que je vais faire, la tête brûle, il faut bien apaiser certains maux… aux deux sens du terme.

Quel souvenir garderez-vous de ce tournage?

J’suis comme tout le monde, moi je garde le bonheur. J’ai trouvé quelqu’un qui voulait, voulait, voulait, je n’ai pas dit qu’il savait ce qu’il voulait… Il était exigeant, il demandait et ça c’est bien, d’avoir des gens couillus… Il y a des femmes aussi comme ça, je pense entre autres à Josée Dayan. Elle, en plus, a la chance d’avoir des scénarios… Mais bon ! Peu importe ce que je retiens, c’est un vrai moment de bonheur. Sur un plateau, c’est rare!

Pour terminer, que ressentez-vous à être de l’aventure du prochain Carax (six ans après Les amants du pont neuf) aux côtés de Catherine Deneuve, dans l’un des projets les plus excitants de ces dernières années?

Ca fait bander… Vous venez de le dire, ça excite !! Maintenant on va le tourner et on verra ce que ça fait…

Propos recueillis par Jean-Luc Brunet