Pour entamer 2013 en beauté et enterrer une bonne fois pour toute l’année pseudo-apocalyptique passée, après nos Tops 10, voici les Bugs 2012. Culture, Internet, médias et société, pour brasser large, parce que rien ne nous a échappé. Et Happy New Year à tous !

 

 

 

Séries-TV : The Newsroom

Attendu par tous les diplômés de Science Po dignes de ce nom (c’est à dire au chômage ou pigistes au Courrier Picard), The Newsroom, dernier bébé du wunderkind Aaron Sorkin,suit la rédaction d’une chaîne  d’informations en continu. Les journalistes y communiquent par monologues aberrants qu’ils assènent avec une arrogance qui serait bienvenue si la série était une comédie. Ou un found footage show réalisé par Roland Emmerich.

 

Livres : La « une » de Libé sur Angot
On nous reprochera de taper sur une ambulance, mais tant pis : quel événement aura été plus ridicule cette année que la mémorable « une » de nos confrères de Libé sur le roman-navet de Christine Angot, Une Semaine de vacances ? Une aberration qui a pas mal fait ricaner sur internet, et qui témoigne de deux choses au moins. L’une, c’est que le portenawak en matière de critique littéraire, quoique bien affaibli depuis quelques années par les piques acides des Jourde, Naulleau, Domecq et autres, garde une certaine vivacité (hélas, Pierre Bergé n’a pas été assez puissant pour obtenir à Angot le prix Décembre, bien qu’il ait voté pour elle « à chaque tour »). L’autre, c’est que Libé décidément va bien mal et que, dans la chronique de sa descente aux enfers de la boboïtude bêbête, cette « une » fera office de sinistre date-clef. Ah, misère.

 

 

Jeux vidéo : La PlayStation Vita
Il faut bien l’admettre, à contrecœur : bientôt un an après sa sortie, la PlayStation Vita bide. Vente insuffisante voire limite alarmante au Japon. Soutien quasi inexistant des développeurs. Planning des sorties rachitique. Engouement du bout des lèvres de Sony ; qui n’a jamais su donner une identité à ses consoles autre que la technologie. Désintérêt (logique) d’un public devenu radin. Dommage, oui, car historiquement, la Vita écrase toute la concurrence. Jamais console portable ne fut si complète, puissante et ergonomique. Sony y a tout mis, et bien. Il manque juste l’essentiel pour mettre la machine dans sa poche, déjà occupée par l’iPhone : des jeux.

 

 

Médias : Audrey Pulvar
Pas gentil de se moquer d’un homme/d’une femme à terre, mais l’occasion est trop belle : 2012 pour Audrey Pulvar aura été l’annus horrilibis, puisqu’elle se retrouve à la fois célibataire et semi-chômeuse (il lui reste tout de même sa pige à 20000€ sur D8, de quoi s’acheter de nouvelles lunettes en écailles si par malheur elle casse les siennes). Avec, pour ne rien arranger, les Gérard de la TV et tout le web à ses basques pour ricaner sur son sort… Même ses pires ennemis n’auraient pas osé rêver d’une si belle chute au temps où elle officiait comme Robespierre permanentée sur le plateau de Ruquier ! Son passage-éclair aux Inrocks, où elle a été nommée avant l’été sur un coup de génie de Super-Pigasse, restera le plus bel accident industriel de l’année médias, pire que le talk-show de Bruce Toussaint sur France 2. Il faut dire qu’en termes de crédibilité culturelle, elle était aussi légitime aux Inrocks qu’Elodie Gossuin à Onze mondial, et que ses éditos neuneus ont rivalisé de nullité avec ceux de son confrère Demorand à Libé, autre brillant transfuge de la presse audiovisuelle. Et maintenant ? Certains la voient revenir sur France-Inter. Las. Elle, de son côté, se contente de suggérer qu’elle doit « se reconstruire », après sa rupture et son flop professionnel. Courage, Audrey, reconstruis-toi bien. Mets beaucoup de ciment. Et n’oublie pas la bouche.

 

Bandes dessinées : Blake et Mortimer, tome 21 – Le Serment des cinq lords, de Juillard & Sente (Blake et Mortimer)

Tandis que la reprise que signaient Ted Benoit et Jean Van Hamme il y a une quinzaine d’années avec L’Affaire Francis Blake était plutôt digne, cette nouvelle aventure écrite par l’omniprésent Yves Sente, également scénariste du dernier XIII, fait plus que jamais ressentir l’absence du regretté Jacobs. On s’abandonnerait encore avec bonheur au dessin raffiné et aux tartines de récitatifs de l’oncle Edgar, mais les fantaisies technoscientifiques de la série originelle s’effacent au profit d’une enquête policière british dans toute sa banalité, mal cernée par une ligne claire fossilisée et des couleurs ternes aux allures de fausse bande dessinée automobile des années 50. « Après moi, le déluge ! », avait prévenu Hergé pour décourager d’éventuels repreneurs. A quoi a-t-on pu échapper…

 

 

Cinéma : Oslo, 31 août, Joachim Trier
Certes, ce n’est pas le pire film de l’année. Juste un petit film de festival un peu inepte, très dispensable – d’ailleurs c’est simple, on n’a même pas pris la peine de le chroniquer à l’époque. Son succès critique et public nous désespère d’autant plus : c’est le triomphe du cinéma le plus mou et décoratif, et la preuve que, 30 ans après avoir infiltré le mainstream, la pub a désormais avalé le cinéma d’auteur qui plaît. 1H36 de spot de prévention anti-drogue, clichetonneux à mort (l’habillage « urbain » et « sensible » = au secours), pusillanime et faux-derche (le shoot final derrière la porte = AU SECOURS) : à ranger sans délai dans la poubelle 2012 du cinéma chic et creux.

 

 

Musique : Le Pitchfork Music Festival
S’il y a un symptôme syncrétique du mal profond que l’indie camomille fait à la musique, c’est bien le Pitchfork Music Festival. Cette année était pire que toutes les autres réunies, puisqu’en plus d’une prog proprement dégueulasse (M83, Breton, James Blake, Sébastien Tellier, How to Dress Well, Melody’s Echo Chamber…), toute une catégorie socio-professionnelle soucieuse d’afficher les signes de sa branchitude semblait s’être donnée rendez-vous pour en faire le grand raout musical de l’automne. Des hipsters sortis en série des usines The Kooples et Zadig & Voltaire à l’adoubement de la presse généraliste pour mémères trentenaires branchaga, rien ne manquait au tableau. La palme du ridicule absolu revenant haut la main et sans effort à ça (on ne saurait dire si ce sont les individus que nous visons ici ou plutôt la galerie de photos). Mais qui veut (encore) de ça ? Certainement pas nous.

 

 

Internet : Le Facebook blues
2012, année de la loose 2.0 ? Entre la fermeture de MegaUpload, les multiples tentatives de censure et de pose de barbelés virtuels (ACTA, PIPA…), l’affirmation définitive de Twitter en porte voix de l’internationale des égos boursoufflés et imbéciles, le bridage de l’illimité par les FAI escrocs, on pourrait se dire que l’âge mûr d’Internet se confond à son âge pourri. Ce serait sans doute manquer un peu d’humour car, enfin, comment ne pas céder à l’hilarité devant les réactions unanimement victimaires suite à la constante redistribution des cartes de notre intimité connectée sur son indépassable tapis de jeu : Facebook ? Entre vrai-faux bug (destiné à tester nos limites à la transparence ?) et multiplication des révisions des règles de confidentialité, 2012 aura été pour LE réseau social le lieu de l’accélération de son grand projet de transhumanisme moral qui a fait du récit de soi (et de son corolaire censeur, la pudeur) un mutant perpétuel. En 2013, quitter ce fascinant monstre des yeux, ce sera, de vue, se perdre un peu.

 

 

Société : Ce féminisme qui n’aimait plus les femmes
A quelques Femen près, 2012 aura été l’année où, fortifiées par les réseaux sociaux et la facilité à monter des mouvements spontanés, se seront multipliées les déclarations outrées et navrantes d’un féminisme mainstream. Parmi de nombreux exemples, Mona Chollet et son essai Beauté fatale qui prend les lectrices de magazines féminins pour des imbéciles dénuées d’esprit critique, l’assaut conjugué des porte-étendards français du « genre » qui veulent faire plier la science (et la multiplication des résultats scientifiques validant une sexuation du cerveau, compatible du reste avec une part de construction sociale dans l’assignation des rôles hommes/femmes) à leur volonté d’instrumentalisation idéologique (comme si les différences biologiques pouvaient freiner une volonté politique égalitaire, et ben voyons !), la disparition du terme « Mademoiselle » (les coquettes apprécieront), la multiplication des polémiques et pétitions risibles (dernière cible en date : les catalogues qui font jouer les garçons avec des camions et les filles avec des dinettes… quelle horreur !). Point d’orgue de toutes ces indignations plus paternalistes (c’est un comble) que libératrices : l’abolitionnisme, abus de langage éhonté qui ne s’en prend pas seulement à l’esclavage et aux réseaux mafieux mais aussi, et de manière inexcusable, à la liberté des prostituées par choix et dont celles qui voient plus de dignité à donner du plaisir 4h par semaine qu’à subir la cadence des « menus Best-of » pendant 35h dans un mac job. A contre courant de ce flots d’inepties totalitaires, un féminisme nouvelle vague, spectaculaire et « sex positive » laisse entrevoir tout de même de beaux lendemains : les Femen et leurs seins nus en guise de pancartes situationnistes, la Slutwalk et son ironique réappropriation des codes du sexisme ordinaire, le Strass, la post punk attitude des King’s Queer, les films libérateurs et joyeux d’Emilie Jouvet (Too Much Pussy !)… Allez, encore un effort les filles !