Douglas Coupland a-t-il bien cerné la « génération J » (« J » pour Jeux) avec jPod ? Pour le savoir, en ce qui concerne la France, nous avons interrogé deux game-designers de chez Ankama, l’éditeur du successful MMORPG « Dofus ». Checkpoint avec Axelle Ziegler et David Calvo, exégètes et fans invétérés de l’auteur canadien.

Ici dans la matrice, Axelle Ziegler, lead-développeuse sur un nouveau projet de l’éditeur Ankama, responsable technique sur le mini-jeu Wakfu : Les Gardiens. Ailleurs dans la matrice, David Calvo, narrative designer d’Islands of Wakfu et creative director d’Ankama Play (également auteur de plusieurs jeux, romans et BD). Ces deux game-designers employés chez Ankama, éditeur français à qui l’on doit l’existence du MMORP Dofus (25 millions de joueurs en ligne pour ce World of Warcraft français) et du projet cross-media Wafku, ont goulûment dévoré jPod dès sa publication en 2006 en Amérique du Nord, en s’identifiant plus ou moins aux personnages du roman de Douglas Coupland. L’occasion de vérifier si ce que narre l’auteur canadien, dont on sait qu’il avait déjà plutôt bien cerné la gen X, correspond bien à la réalité du quotidien de cette génération communément étiquetée « geek ».

Chronic’art : Quand et comment avez-vous découvert Douglas Coupland et que représente cet auteur pour vous ?

Axelle Ziegler : J’ai lu Generation X il y a longtemps, mais j’étais sans doute un peu jeune pour vraiment percevoir l’intérêt du livre à l’époque. Je me souviens d’avoir à ce moment-là associé Douglas Coupland à Bret Easton Ellis, que j’ai dû commencé à lire à peu près à la même époque. La différence entre le Canada et les Etats-Unis ne m’avait pas frappée, et ils étaient ainsi, pour moi, dans la même catégorie « auteurs américains récents ». J’imagine que je l’ai lu en « tombant dessus » dans une librairie, sans doute à Paris, puisque je les avais lus en anglais. Au fond, Generation X ne parle pas vraiment de ma génération (j’avais 9 ans en 1991). J’ai redécouvert Coupland, au moment de la publication outre-Atlantique de jPod ; je l’ai dévoré, avant de lire Microserfs. Il me semble que c’est David (Calvo) qui me l’avait recommandé… J’ai immédiatement apprécié cette vision assez cynique des deux univers professionnels que j’avais connus (j’ai bossé dans une boîte d’informatique avant d’arriver chez Ankama). Du coup, pour moi, Coupland est plus l’auteur de Microserfs et de jPod que de Generation X. D’une certaine façon, il représente probablement la génération à laquelle j’aurai voulu appartenir ; celle du Punk, du Grunge et de l’essor du Web, plutôt que celle de Facebook, du neo-metal et de Shakira (rires). J’avais aussi bien ri en lisant certains de ces articles parus dans le magazine US Wired.
David Calvo : J’ai lu Microserfs à sa sortie en v.o., j’avais à peine 20 ans, trop jeune pour faire partie de la gen X, mais assez vieux pour être dans la bulle Internet. La fin du livre m’avait proprement sidéré, je n’avais pas du tout vu cela comme du cynisme. Coupland est très proche de ses personnages, il y a beaucoup de tendresse dans cette contemplation d’une chute sociale, une vision de l’autisme très sensible. J’ai aussi lu Girlfriend in a coma que j’ai adoré, et puis jPpod, ensuite, à sa sortie, toujours en v.o. ; je travaillais déjà dans le jeu vidéo à l’époque, alors forcément, ça m’a parlé… j’ai dû le faire lire à tous mes potes (dont Axelle). On m’a offert ses autres livres à d’autres occasions ; Hey Nostradamus !, par exemple, qui m’a aussi beaucoup touché.

Certains passages du livre ne vous ont-ils pas rappelé votre expérience ou vos tranches de vie de game-designers ?

D.C. : Il y a un bout de moi dans chacun des personnages de Coupland. C’est un auteur qui me rassure : je ne suis pas seul… la résignation héroïque, la rétention anale, l’obsession maladive du changement, de l’évolution. L’Attention deficit disorder (déficience d’attention), le multitasking (polyvalence), l’autocritique et le boost de l’ego. Le besoin de créer de nouveaux systèmes, la désacralisation du sexe, l’amour profond pour tout ce qui est fabriqué, le conflit perpétuel, riche de tout, de l’analogique et du digital, la peur de l’autoritarisme, le non-engagement envers l’intime, le désengagement politique… Ce sont des sentiments courants chez les développeurs, je pense. On ne peut pas réduire des individus à des clichés sociaux, surtout dans un milieu où l’individualisme est une valeur primordiale, mais Coupland touche du doigt quelque chose de très profond, qui demande beaucoup d’attention pour être perçu, car c’est infime : c’est une forme de tendresse hybride, mutante, issue de la postmodernité mais qui a passé le voile de la représentation. C’est plein d’humour et de terreur, mais c’est difficile à exprimer. Dans son livre, Coupland lui même doit voler le laptop d’un développeur pour savoir ce qui se passe réellement dans cette pensée opaque ; c’est une vraie forme d’autisme, c’est très beau. L’idée de la machine à câlins, même si elle est empruntée à Temple Grandin (spécialiste en zootechnie, reconnue dans le monde entier pour ses fameux écrits sur la question de l’autisme, ndlr), elle-même autiste « consciente », est pour moi l’incarnation parfaite de ce sentiment. On retrouvait cela à la fin de Microserfs, mais de manière bien plus cynique.

A.Z. : Globalement, j’ai été hyper frappée par la vraisemblance des personnages de jPod. Cette espèce d’ambiguïté étrange du milieu de jeu vidéo, entre technique, artistique et business. Au final, les personnages sont en permanence pris dans cette contradiction très actuelle, je crois, d’avoir l’impression d’être entouré et de suivre des gens qui appartiennent à un autre univers, à une autre vision. Je suis moins frappée que David par l’autisme individuel et plus par une forme d’autisme collectif entre des métiers, des personnes, des cultures presque, qui n’arrivent plus à se parler. Je me suis donc plus identifiée au groupe des personnages en tant qu’entité autonome qu’à l’un d’entre eux en particulier. Cet hermétisme est très bien incarné par le passage de la tortue, qui me revient à l’esprit très régulièrement dans l’exercice de mon métier (on en a d’ailleurs fait, chez Ankama, une plaisanterie récurrente).

David, comment se fait-il, selon toi, que Douglas Coupland ait aussi bien cerné les gens de ton secteur et de ta génération ?

D.C. : Je suppose que Coupland est lui aussi quelqu’un de très secret, et l’enclos secret est, au cœur de cette génération, une intimité surprotégée. Tout son talent, c’est la façon dont il approche cet enclos, avec subtilité, intelligence, parce que lui aussi sait ce que c’est que d’ETRE un secret. Son sujet d’étude est tellement opaque que la seule façon d’en parler, c’est de savoir lire les gestes, les effets, les impacts. Ce n’est pas pour rien que dans le livre, Coupland doit obtenir un laptop. Si on est capable d’avoir accès à la façon dont cette pensée est formulée, les bookmarks, les notes, les softs, les configurations, les suivis de performances, on peut saisir des motifs. Ensuite, c’est le travail de l’écrivain que de lier les motifs entre eux.

Est-ce qu’à l’instar du personnage de Steve, il vous arrive d’inclure des choses très (trop ?) personnelles ou un peu débiles, plus ou moins cohérentes avec le projet, dans vos réalisations, quitte à le regretter par la suite ?

A.Z. : Mon métier (programmeur) m’évite de trop me poser la question de l’inclusion dans les réalisations de choses très personnelles de façon directe. En revanche, il m’est arrivé maintes et maintes fois de me surinvestir dans des projets, quitte à prendre personnellement des choses qui n’étaient finalement que des décisions techniques anecdotiques. Mais je ne pense pas que ce soit spécifique au jeu vidéo. Les vieux jeux contiennent tous des choses extrêmement personnelles posées là par leur développeur : je suis sûre que Lord British (Richard Garriott, figure majeur de l’industrie du jeu vidéo, créateur de la série Ultima, ndlr) est vraiment une facette de la personnalité de Garriot et que Will Wright construisait vraiment des villes dans son grenier quand il était petit ! En tout cas, j’ai envie de l’imaginer…

D.C. : Un jeu est une œuvre collective. Il y a toujours des secrets, des références, des choses intimes. C’est monnaie courante et c’est d’ailleurs souvent ce qui fait le jeu lui-même. Dans un jeu, chaque artiste, qu’il soit codeur, graphiste ou scripteur, doit donner sont interprétation d’un cahier des charges. Tous les jeux sont gavés d’indices, de clins d’œil à ceux qui les ont faits, ou qui les ont précédés. Les easter eggs (une fonction cachée au sein d’un programme, ndlr) les plus évidents ne sont pas les plus courants : combien d’intimité dans une forêt ? Le jeu vidéo est une forme d’expression qui a fait du recyclage culturel et personnel une donnée fondamentale. La gestion de la cohérence de ces petites noisettes fait partie intégrante de la conception d’un jeu.

Est-ce que vous vous retrouvez aussi à travers les références geek citées par les personnages du roman ?

D.C. : La culture geek est très vaste pour être ramené à un seul mot, ou à une série de références. Sorti des tropes, on trouve tellement de niches et d’aspects, tout cela est tellement exclusif au fait de se sentir unique… Au fond, Coupland a dégoté des choses qui peuvent parler à tout le monde, il n’y a rien de véritablement original – c’est une sorte de base culturelle (Tron, eBay…). Seulement la façon dont, tribalement, il les place en enjeu, ça c’est du génie (et c’est en cela que je rejoins Axelle sur la notion d’autisme de groupe, même si pour moi il est a posteriori) : comme le « taint » du Royal Cheese, qui envahit un espace olfactif.

A.Z. : En ce qui me concerne, pas du tout. Autant je me sens complètement en phase avec sa description du « tribalisme » (pour reprendre David) des jeunes adultes, en partie pour résister au monde extérieur, autant je réfute relativement le sens contemporain qu’on peut mettre derrière l’étiquette « geek », qui recouvre un peu n’importe quoi, du pré-ado un peu goth qui joue à World Of Warcraft au programmeur limite atteint du syndrome d’Asperger, du joueur de jeux de rôles old school au mec qui s’adonne à Street fignter IV. Aujourd’hui, je pense que le terme « geek » est utilisé pour décrire toute une génération dans sa diversité, et donc que les références sont bien trop explosées pour être utilisables telles quelles.
D’ailleurs, de plus en plus, l’usage en anglais est plutôt « video game » « computer geek »… Le geek, en gros, c’est un peu tout le monde, ou presque, dans notre génération ; et c’est très lié à l’explosion du virtuel comme mode d’interaction.

Est-ce qu’il y a des références exclusivement françaises, que Coupland ne cite donc pas, que l’on pourrait ajouter à cette liste ?

A.Z. : Evidemment, il y en aurait plein, mais aucune ne serait universelle, pour les raisons exposées ci-dessus. En vrac (et volontairement de façon assez contrastée), tout de même, tout un tas de bloggers old school, Infonie ou, pour les trucs plus récents, la chaîne TV No Life dans son ensemble (Nerdz, surtout : première sitcom qui met en scène des gamers). Cela dit, je continue de penser que ces communautés sont trop polymorphes pour être ramenées de façon pertinente à un ensemble d’images d’Epinal. Il y aurait peut-être, d’ailleurs, un parallèle à faire entre le traitement réalisé actuellement autour de la « culture geek » et celui de la « culture gay » il y a une dizaine d’année – même si, bien sûr, les enjeux politiques sont différents.

D.C. : En ce qui concerne les références exclusivement françaises, Coupland aurait peut-être pu parler de ce qu’on faisait le vendredi après midi au fond de la classe, vers 17h00, avec les MO5.

Vous me rafraîchissez la mémoire ? Que faisait-on « le vendredi après midi au fond de la classe, vers 17h, avec les MO5 » ?

A.Z. : Personnellement, rien. Mais c’est une remarque intéressante : la technologie, encore plus que la musique, marque les générations sur de très courtes périodes, et engendre des différences d’expérience et de passé entre des gens qui ont finalement peu d’écarts d’âge : on n’a pas connu les mêmes avancées au même âge, on n’a pas vu les mêmes sites, les mêmes communautés, les mêmes machines… Ca donne un petit air de vieux con à tous les geeks, je pense, sur le thème : « Ah mais oui, toi t’as pas connu ».

D.C. : (Rire) Voilà, justement, on faisait tous des choses différentes. Moi j’apprenais à faire des jeux d’aventures avec des lacs sacrés, des oies carnivores et des nuages conscients… Le geek est-il quantique ? (rire)…

A.Z. : Je suis d’accord avec ce que David essaye de dire. Il n’en reste pas moins que pour moi, le MO5, c’était éventuellement une machine à vendre ou à détruire, question d’âge. Mes classes de programmation se sont plutôt faites sur un Atari ST, quelques années plus tard…

D.C. : On se rend compte à quel point il y a des gouffres entre des gens qui se connaissent bien, tout cela parce qu’ils n’ont pas les mêmes systèmes d’exploitation (rire). En vérité, on ferait mieux de parler de cybernétique que de « geekerie » ou « nerderie » ou je ne sais pas quelle autre foutaise, même si le terme de « cybernétique » lui même n’est pas plus fameux. Chez Coupland, ces gens sont des robots organiques ; c’est comme cela que je les vois. Ils apprennent à gérer le monde comme ils apprennent à protéger leurs données personnelles.

Comment caractériseriez-vous, si c’est possible de le faire, la vie d’un game-designer ?

D.C. : Il faudrait commencer par définir ce que signifie le terme « game-designer ». Axelle et moi faisons des métiers différents. Dans le développement d’un jeu, tout un tas de gens vont devoir gérer des aspects du game design. Personnellement, je suis « narrative designer », une aberration analogique : je m’occupe essentiellement de faire en sorte que tout le gameplay aille dans la même direction, à savoir celle du world-model – les tenants et les aboutissants de l’univers dans lequel le jeu se déroule. Disons que je passe l’essentiel de mon temps à écrire et à dessiner des trucs, à coordonner les trouvailles des autres, à construire des ponts entre des sommets invisibles. On peut aussi isoler des constantes : les réunions scrum du matin, le café en poudre, les chocobons, la veille sur le Net, les réunions on the spot (10 minutes de charclage en règle avec l’objectif de trouver une solution pour reformuler un problème), les combats en tous genre (avec armes ou pas – la touillette est appréciée), les mèmes, les dialogues de sourds, les dialogues via MSN avec la personne à côté de vous, les rires, la nuit qui tombe dehors, les bugs, les bugs, les bugs…

A.Z. : Je n’arrive pas à trouver un dénominateur commun raisonnable entre les différentes personnes que je connais qui exercent ce métier. Pour Dieu sait quelle raison, la seule caractérisation possible qui me vient en tête, c’est cette citation de Dali : « La seule différence entre un fou et moi, c’est que moi je ne suis pas fou ». Je l’avais affichée dans ma chambre d’étudiante, parce qu’elle me résume parfaitement, moi et mon entourage.

D.C. : C’est exactement ça : le seul dénominateur commun, finalement, c’est l’espace à partager, qui est souvent, d’ailleurs, un espace virtualisé. Pour le reste, il s’agit de savoir comment minimiser au maximum les frictions (rire)…

A.Z. : Les bugs sont une bonne base. La vie d’un développeur de jeu vidéo, c’est : production / bug / production / bug, etc. En fait, c’est une vie itérative, dont la respiration est la réalisation de quelque chose qui n’est théoriquement qu’un programme informatique, mais qui devient plus ou moins un objet vivant, avec un rythme, une personnalité et une volonté. C’est peut-être ça le plus étonnant : la diversité des approches, des ressentis, des méthodes, des vies, et la vitesse à laquelle chaque équipe ou chaque projet prend sa vie propre. J’ai beaucoup changé de projets dans la dernière année et c’est un sentiment que j’ai ressenti à chaque fois. Une équipe de développement, c’est vraiment un être vivant qui a sa propre identité, souvent mélangée avec celle de son produit, ses propres codes… même au sein de la même boîte finalement.

D.C. : De là à dire que nos personnalités sont itératives, il n’y a qu’un pas…

Est-ce qu’il vous arrive à vous aussi, comme le fait la team jPod, d’aligner des plages de nombres premiers compris entre 10 000 et 100 000, les 972 mots de trois lettres permis au Scrabble, les cent mille décimales de nombre Pi ou encore de « parler de la glace 9 dans Le Berceau du chat de Vonnegut »… bref, vous lancez-vous, vous aussi, ce genre de défis un peu vains et obsessionnels entre vous, chez Ankama ?

A.Z. : Oui, totalement. C’est même encore plus caractéristique de mon entourage que des mes collègues à proprement parler. Cela dit, ça prend moins la forme de défis que de questions absolument sans intérêt (les communes limitrophes de Paris, les lignes de métro londoniennes, les albums d’Eric Clapton ou, pire encore, de Bad Religion, les jeux vidéo sortis par Bullfrog, etc.), dont on n’envisage pas de ne pas avoir la réponse. Tristement, avec la généralisation des smartphones avec accès à Internet, les discussions ont perdu en longueur et en intensité, vu qu’il y a toujours quelqu’un pour invoquer Wikipédia. Au boulot, dans mon équipe, les trips sont plus batailles de pistolets Nerf que concours de décimales de Pi.

D.C. : On n’a pas besoin de ça pour être des sociopathes à tendance obsessionnelle. Notre quotidien se résume à couper les cheveux en quatre. Notre quotidien, c’est le jeu. Faire un jeu, c’est bâtir une réalité couche après couche ; peu de temps pour le reste… Nos seuls défis sont des défis de connaissance : qui sait les choses avant l’autre, qui connaît ce point obscur de règle dans ce jeu obscur de 1985. C’est avant tout une obsession du détail ; peu importe la forme, tant qu’il y a des choses cachées, bien cachées, que seuls nos talents et nos spécialisations nous permettent de découvrir, dans un langage aussi technique que possible. Nous sommes avant tout curieux. Je crois que si c’était possible, on irait tirer la queue du diable rien que pour voir sa gueule le matin, avant le café…

Y’a-t-il d’autres auteurs ou artistes qui, pour vous, arrivent à capter une époque et les gens qui la caractérisent aussi justement que Coupland ?

A.Z. : Zola, pour une autre époque ? C’est difficile à juger, je n’étais pas là. Selon mon grand-père oranais, Camus, là encore pour une autre époque. Il s’agit de comparaisons à prendre avec de très grosses pincettes, évidemment. Je pense que c’est en fait relativement nécessaire pour un artiste de se faire l’écho de son époque, même si c’est de façon moins rigoureusement figurative. Pour la musique, ça me semble encore plus inévitable. Mais si je fais une liste, je risque de mentionner tout ce que j’écoute / lis / regarde. D’autant plus qu’on est également définis par l’art qui nous caractérise : le jazz a fini par modifier la communauté noire américaine autant qu’il la représentait, et il en est de même pour tous les arts qui finissent par être des éléments de reconnaissance d’un groupe.

D.C. : A ma connaissance, personne ne sait parler de cette culture comme lui. Mais qu’est-ce que Coupland sait des dégâts causés sur la prétendue génération Casimir (rires) ? Coupland représente une certaine vision anglo-saxonne d’une certaine jeunesse ; c’est délicat de dire qu’il parle pour toute une génération, même si on peut raisonnablement penser qu’un codeur de 30 ans en Afghanistan fait partie d’un ensemble qu’on appellerait simplement « génération ». Comme Axelle, je pense que Camus a représenté quelque chose à un moment, qui continue à pouvoir s’appliquer à ce qui nous intéresse dans cette discussion : ce détachement, cette empathie avec la surface, la perception intime de l’absurdité… tout le reste est juste culturel. Il existe aussi des auteurs français qui alignent des références et des usages pour faire croire qu’ils parlent d’une génération, mais personne ne saisit bien la nuance. Je ne suis même pas sûr que ce soit possible de le faire, en vérité.

Propos recueillis par

Lire notre chronique de jPod, de Douglas Coupland