A l’occasion du Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême 2002, brèves réflexions des acteurs du monde de la BD quant au devenir de ce medium.Jean-Paul Jennequin (25.01.02)

« La BD aujourd’hui ? Pour commencer, dix ans plus tôt, la réponse aurait été sans appel : la bande dessinée est stagnante, nombriliste et son avenir me semble bien sombre. La politique d’édition était telle que les années 90 se présentaient comme celles de l’effondrement. Ceci étant quelques éléments ont tout fait évoluer, et me voici aujourd’hui assez optimiste. Contraints et forcés, les éditeurs ont dû intégrer à leurs catalogues des productions étrangères, notamment les mangas. De même, les éditeurs indépendants ont commencé à fleurir, apportant de nouvelles audaces et ouvrant de nouveaux horizons pour les auteurs. Là où tout le monde panique face à l’explosion du nombre d’ouvrages parus, je tends à considérer que cela relève d’une bonne santé du média.
Un doublement par deux du nombre d’album en moins de cinq ans est plus que positif ; plus il y a de bandes dessinées, mieux ça vaut ! Bien sûr, il faut tenir compte des réalités industrielles, mais je ne vois pas pourquoi le monde du roman aurait plus de légitimité à surproduire. Il est simplement plus vieux et mieux implanté. Je crois en la reconnaissance de la bande dessinée, on est sur la bonne voie. Surtout, il faut que les auteurs osent et aillent jusqu’au bout de leur démarche. La définition d’un auteur de Scott Mc Cloud est parfaite : on prend une feuille, on la plie, numérote, dessine, photocopie, découpe, agrafe et on la distribue. Tout est dit. »

Propos recueillis par

Jean-Paul Jennequin est éditeur à la Comédie Illustré, traducteur (From hell, L’Art invisible, Un Monde de différence) et commissaire de l’exposition « Comics : génération indépendant ».

Jean Christophe Menu (25.01.02)

« L’ambition à L’Association demeure différente de celle des grands éditeurs. Nous restons en marge de la bande dessinée et c’est une situation qui perdure. Mais bon, on m’aurait dit il y a dix ans que Blain aurait un jour l’Alph’Art du meilleur album… Les gros éditeurs profitent du sang neuf mais il faut savoir que Slalom fut refusé partout à l’époque. Il faut reconnaître que l’on est à un virage. Les présumés petits éditeurs prennent de l’ampleur. La perspective de jumeler L’Association avec une structure commerciale se précise. Mais on continuera à publier des auteurs dont la démarche est intéressante. On pérennise la relation que l’on a avec des auteurs comme Woodring, Drexler… Je reconnais que depuis deux-trois ans, L’Asso s’est quelque peu endormie en matière de jeunes auteurs. On va y remédier mais on aspire aussi à publier les grands anciens que sont Forest ou Masse. Le succès de Marjane Satrapi nous aide en ce sens. L’avenir du Festival ? Si ça se monte à Paris, cela aura le mérite de clarifier la situation. Casterman, Dargaud et les autre resteront dans la capitale et Angoulême prendra définitivement le virage culturel qui a été progressivement amorcé. De toute façon, les auteurs de notre génération comme Blain, Guibert ou Sfar ont déjà gagné. Ils sont partout, et c’est pas terminé. »

Propos recueillis par

Jean-Christophe Menu est auteur et éditeur de bandes dessinées à L’Association