Trente ans après son Guide Paucard des filles de Paris, Alain Paucard repart en campagne contre le puritanisme et pour la liberté des bordels. Le titre ? Tartuffe au bordel. Entretien express.

 

Chronic’art : Il y a bientôt trente ans, vous sortiez chez Pauvert votre Guide Paucard des filles de Paris. Comment les choses ont-elles évolué, depuis ?

Alain Paucard : Pour ce qui concerne le proxénétisme, on est passé de l’artisanat au crime organisé ; pour ce qui concerne la prostitution, il ne faut surtout pas que cela se voie.

 

Qu’est-ce qui vous a décidé à écrire ce Tartuffe ?

L’exaspération devant l’hypocrisie de la société mondialisée. Dans ce domaine, la prostitution ne serait pas le seul thème…

 

Le but de l’interdiction de la prostitution, écrivez-vous, c’est de faire triompher secrètement la marchandise sous couvert de droits de l’homme…

Les néo-puritains veulent créer un monde sans péché… apparent. C’est toujours la même antienne : cachez ce sein que je ne saurais voir…

 

Comment expliquez-vous le retour du puritanisme ? Tient-il à l’empire des cultures anglo-saxonnes et nordiques ?

Evidemment. Mai 68 est en fait le bal d’adieux de la liberté d’expression. A partir de là, on rentre dans un monde calibré, « formaté », dans une norme.

 

« Le paradoxe du puritanisme, c’est qu’il triomphe dans la pornographie massifiée », écrivez-vous. Que voulez-vous dire ?

Par la répétition d’images érotiques ou pornographiques, peu importe, on désacralise le corps nu et en le banalisant, on tue le désir.

 

Qu’un homme normalement constitué ne soit jamais monté une fois avec une prostituée, il y a là, dites-vous, quelque chose d’un peu « pervers ». C’est une formule, ou vous êtes sérieux ?

Sérieux comme le plaisir.

 

Parmi les arguments abolitionnistes entendus lors du débat de 2011 à l’Assemblée, lequel vous a fait le plus sortir de vos gonds ?

Monsieur Geoffroy (député de Seine-et-Marne, ndlr) évoque la misère sexuelle des clients. Ceux qui évoquent la misère sexuelle des autres ne voient jamais la leur.

 

L’emprise des réseaux et de l’industrie sur la prostitution aujourd’hui n’empêche-t-elle pas qu’on retrouve un jour le charme artisanal des bordels d’antan ?

Oui, mais de la même façon, on ne retrouvera jamais le charme des villes quand elles étaient construites à la campagne.

 

Vous défendez la prostitution, mais vous vouez le strip-tease aux gémonies. Pourquoi ?

Parce que c’est typiquement puritain. Il vient d’ailleurs du monde anglo-saxon. Ca s’arrête quand ça devrait commencer.

 

Si vous deviez convaincre un sceptique de la nécessité de rouvrir les maisons, que lui diriez-vous ?

Je ne suis pas convaincu de la réouverture des maisons closes, mais je lui dirais qu’on ne peut pas lutter contre la nature humaine, celle qui loue et celle qui se loue.

 

Que vous inspirent les faits d’actualité récents : « l’affaire » Richard Millet, la bronca contre les caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo ?

La liberté d’expression ne se discute pas.

 

Tartuffe au bordel, d’Alain Paucard (Le Dilettante)