A qui se souvient des mythiques La Vie comme elle va et Ici Najac, à vous la Terre de Jean-Henri Meunier, Yvette, bon dieu !donnera d’abord quelques sueurs froides. Nous voici au coeur de la région Centre, dans une ferme habitée depuis de longues décennies par Yvette (62 ans), ses deux frères Camille et René ainsi que la daromphe Renée, bientôt 100 ans. La vie comme elle va chez les Trion, une famille de paysans qui continue de vivre à l’ancienne et en toute autosubsistance malgré les travaux de plus en plus éprouvants, l’âge venant, imposés par leur exploitation de 45 hectares dans la ronde des heures, des jours et des saisons. Les rebondissements, rythmés par le va-et-vient abruti des chiens de chasse et les caquètements de la volaille, sont plutôt attendus : moisson aux champs, mise-bas des bêtes, écorchage de poulets, traie des vaches, cueillette de fruits, vendanges, abattage de cochons, confection de fromage ou de boudin, et même (attention, bonus inédit) une séquence de braconnage de renardeaux.

Filmé avec des sabots, Yvette, bon dieu ! se tient à la hauteur de ses personnages et a le mérite, dans son travail de complaisance discrète (ici le cinéaste demande un morceau de la bête qu’on découpe, là il remarque à haute voix la bonne odeur des laitages dans l’étable), d’épouser la temporalité de la ferme sans jamais instrumentaliser les acteurs – à peine un petit bonjour à la caméra, et Yvette repart à ses activités en bougonnant contre les saisons qui se détraquent -, ni même alourdir le message de sous-titres trop voyants (le drame des films de Meunier). Les choses adviennent dans une entêtante neutralité (la mort de la grandmother au regard de pierre quelques jours après son centenaire), la parole se libérant avec cette aisance que seule apporte la quotidienneté d’un filmage au long cours. Surtout, le film n’embellit à aucun instant cette étroitesse gauloise, rapport au terroir plus qu’à la terre (elle-même épuisée depuis longtemps) qu’exige son cadre vaguement altermondialiste : moins l’extinction nostalgique d’un monde que sa continuation lente, l’entêtement à s’inscrire dans ce présent marécageux de la durée et de la fatalité paysanne.