L’originalité de XXY tient moins à son sujet (un film sur une hermaphrodite, c’est pas courant, pourrait-on se dire) qu’à sa façon discrète de l’aborder, préférant une étrangeté diffuse au scoop voyeuriste. Alex, 14 ans, vit avec ses parents venus cacher sa bizarrerie dans un coin perdu de l’Uruguay ; la visite d’anciens amis va compliquer les choses. Si le film joue son début sur le suspens pénible d’une révélation, il s’en éloigne progressivement et maintient l’équivoque avec une certaine habileté.

Par contagion, l’indéfini se propage à l’échelle de la nature, sur le paysage, un no-man’s land brumeux en bord de mer et plus largement dans le règne vivant : les espèces rares, les tortues de mer en danger ; bref, les trouvailles du naturaliste. La dimension biologique qui parfois peut alourdir la métaphore (les parents biologistes, la fille-cobaye), a le mérite de déplacer la question et d’en développer l’envergure en évitant de (trop) tomber dans l’enjeu social. Lucia Puenzo filme les détails de la nature et les aspérités incertaines de la matière (corps, lumière, bruine…) avec une curiosité et une sensualité qui donnent au film un grain singulier. Quant à son actrice, Inés Efron, effrontée androgyne, elle incarne parfaitement et avec audace le personnage d’Alex. Le juste équilibre entre provocation et honte, peur farouche et séduction, produit un trouble parfois très réussi. XXY n’échappe pas au drame socio-psychologique et s’y perd. La famille, encore, reprend le dessus, père et mère ramènent le social et la crise. On ne voit pas bien pourquoi, si ce n’est par souci de dramatisation, les humiliations finissent par pleuvoir de tous les côtés, tombant parfois comme un cheveu sur la soupe (l’ami se révèle brusquement un père imbuvable). Progressivement, XXY se banalise et vire au énième film d’ados. Le scénario, en développant l’histoire sentimentale entre Alex et Alvaro (le fils des amis), systématise la question sexuelle en la dédoublant (hermaphrodisme / homosexualité) d’une manière trop théorique. Malgré des réussites intrigantes, l’intérêt du film finit par s’user.