Angleterre victorienne : un acteur shakespearien (Del Toro) revient dans la demeure paternelle assister aux obsèques de son frère, transformé en steak tartare par un loup garou. Mordu à son tour, il se transforme en bébête furax les nuits de pleine Lune. Dès lors, pas facile de dragouiller la veuve de son frère dont il s’est énamouré. Réalisé par Joe Johnston, forain gentiment cinéphile qui, manifestement, a vu La Belle et la Bête, Hurlements et Le loup garou de Londres dans la même soirée, Wolfman s’inscrit sagement dans la tradition ancestrale du film lycanthrope. Manoir brumeux, de l’esthétique XIXe siècle en veux-tu en voilà, poésie gothique et gore à l’ancienne avec prothèses et maquillages à la Rick Baker (embauché pour l’occase), Johnston embrasse les canons du genre avec une gourmandise non feinte de petit artisan sympatoche.

Un plaisir presque adolescent proche de la frénésie, pas loin d’irradier l’ensemble, tenu par un indéniable savoir-faire. Visuellement surtout, puisque Wolfman prend le parti de compiler décadrages, perspectives folles, lyrisme au clair de lune et panoramiques vertigineux sans jamais tomber dans la frime toc. Pas le moindre des honneurs, tant Johnston cavale sur un sentier plutôt étroit, toujours à deux orteils de s’affaler dans le pâté Burtonien (des plans à l’extrême limite de la surcharge) ou dans la marre à l’épate où croupissent les trois quarts de nos petits bandeurs franchouillards. Sa technique irréprochable le tire toujours d’affaire, l’urgence du récit, aussi. Impossible de rouler des mécaniques bien longtemps en 1h40 trépidantes, qui compressent une foultitude d’enjeux, de mises en place et de rebondissements.

Seulement voilà, Johnston va beaucoup trop vite, fermement décidé à placer l’action au-dessus de tout, alors que l’intrigue ne réclame que contemplation et mystère. Une intention en forme d’impuissance qui, régulièrement, plonge le film dans les procédés les plus grossiers du cinéma d’exploitation – ne jamais s’ennuyer, quitte à plonger la tête la première dans le grotesque et la zèderie absolue. Dommage, parce que par éclairs, Johnston flaire quelques bons coups subtils. On pense au jeu ultra pince-sans-rire du méchant Anthony Hopkins par exemple, ébauche d’un ton glacé, d’un regard sophistiqué, un tantinet personnel, mais qui, compartimenté à ce seul personnage, se réduit du même coup à un gadget de train fantôme. Ce qu’est finalement Wolfman dans son entier : une attraction de plus, dont le plus grand suspense consiste à savoir si, oui ou non, elle déroulera sa frousse carnavalesque jusqu’au générique.