Voyage en famille, troisième film de Pablo Trapero tombe à pic pour continuer à ausculter le jeune cinéma argentin dont on peut redire encore la brève et récente histoire : une poignée de jeunes cinéastes propulsés sur le devant de la scène (les festivals, en particulier), émergence née dans le contexte d’une crise économique très grave qui, paradoxalement, l’a facilitée. Parmi les plus jeunes, qui ont tourné leurs premiers films depuis mettons cinq ans, trois font figures de meneurs : Lucrecia Martel, Lisandro Alonso et Pablo Trapero, qui nous occupe ici et qui possède une longueur d’avance sur ses congénères (un film de plus). Les sorties récentes des deuxièmes films de Martel (La Niña santa) et Alonso (Los Muertos) ont pu, chacun à leur manière, alerter sur l’essoufflement et une certaine forme de standardisation (y compris radicale) qui semble gagner le JCA (jeune cinéma argentin AOC). Voyage en famille, qui vient après les très justement remarqués Mondo Grùa et El Bonaerense, continue sur le même rythme du piétinement.

Voilà le problème : Voyage en famille (Familia rodante, littéralement : famille roulante) est un road-movie. Le road-movie, pour être méchant, on pourrait dire que c’est le genre de secours, celui auquel on s’attaque lorsqu’on n’a pas ou plus beaucoup d’idées pour un autre film. La déception du film tient finalement moins à son exécution (pas mal, sans plus) qu’au choix de ce refuge, ou du moins de ce qui ressemble à une planque narrative. Ici, c’est une grand-mère qui le jour de ses 84 ans annonce à sa famille qu’elle compte prendre la route pour se rendre au mariage de sa nièce, qui l’a choisie comme témoin. Distance : 1 500 km. Moyen de locomotion : un vieux camping-car. A bord : la petite famille, toutes générations confondues.

Bien sûr, pareille traversée n’est pas avare en émotion, lorsque enfin on atteint le bout de la route : retrouvailles entre proches qui ne s’étaient pas vus depuis vingt ans, façon Straight story mineur. Mais le long du voyage, qui fait l’essentiel du film, il n’y a d’autre carburant à la fiction que celui qui freine parfois le camping-car : chamailleries inter-couples, inter-générations, des j’en ai marre et des claques qui se perdent ou pas, une roue qui crève et la mémé qui n’en peut plus, mais enfin on rigole aussi -parce que c’est ça, la famille. C’est déjà vu, ou alors c’est tout comme, et surtout c’est sans lendemain, ça n’avance pas à grand-chose. On dirait, on dira, que c’est un film de transition, en attendant que Trapero, comme tous les jeunes cinéastes argentins, embrayent la seconde vitesse.