Catastrophe. Antonia Bird a encore sévi… Pour les non-initiés, sachez que cette demoiselle, auteur du redoutable Face, fait partie de ces cinéastes dont la bêtise vous laisse sans voix, et vous confronte à la certitude de n’être pas assez éloquent, ni même assez violent, pour espérer faire partager avec exhaustivité tout le mal que vous pensez d’eux. Précisons quand même qu’elle fait tout pour qu’on lui jette la pierre, le sujet consternant de Vorace prédestinant à lui seul le film au naufrage. L’histoire prend forme au cœur du violent conflit opposant les Etats-Unis au Mexique, alors qu’une sanglante méprise fait du capitaine américain John Boyd un héros de guerre. Décoré et chaudement félicité, il obtient le privilège d’être muté loin du front, aux confins enneigés et sauvages du pays, dans un petit camp militaire tenu par quatre soldats atypiques. Jusque-là, rien de très original. Apparaît soudain le désastreux Robert Carlyle, sous l’apparence d’un prêtre transi suppliant qu’on l’aide. A partir de cet instant, tout bascule : le prêtre (ne riez pas) s’avère être un Weendigo, sorte de démon indien féru de chair humaine. Le Weendigo parvient à entraîner les soldats dans un traquenard, et à les décimer un par un, excepté John Boyd, qui, pour survivre à l’abri du démon, se voit obligé de manger le cadavre d’un des soldats tués. Ce faisant, il se sent devenir à son tour un Weendigo…

Véritable film d’horreur pour branchés, Vorace est une suite de variations tragi-comiques sur le mythe du cannibalisme, qui dans le film octroie l’immortalité et la toute puissance à celui qui s’y adonne. Ce scénario usé, digne d’un mauvais X-Files, donne à Antonia Bird l’occasion de se réapproprier des scènes entières issues de Entretien avec un Vampire et Highlander, et de reposer la bonne vieille question de l’hypothétique prix à payer pour l’immortalité. Sur fond d’une pénible musique mi-Trip-hop / mi-Country (signée Damon « Blur » Albarn), la cinéaste se complaît à filmer des litres d’ »hémoglobine esthétisée », avec la maladresse académique d’un réalisateur de téléfilms policiers (« Je l’ai vu se vider de son sang ! » = un plan nous montrant un homme se vider de son sang). Vorace est bien plus qu’un mauvais film : c’est une fantaisie. Le genre de production qui donne au cinéma le statut d’art mineur, voué à divertir des foules clémentes et hébétées. Ni pastiche, ni réflexion métaphysique sur le vampirisme (comme le sont respectivement Le Bal des vampires et The Addiction), Vorace est une sorte de bouillie filmique informe et hésitante, filmée, montée, distribuée, avant même de s’être trouvée. Voir Vorace, c’est ne rien voir.