Depuis le triomphe surprise de Jambon, Jambon, Bigas Luna ne cesse de galérer. Le cul, la bouffe, le cliché : trois sujets fétiches travaillés jusqu’à plus soif, jusqu’à la disparition de l’ironie et du relief grotesque qui constituaient le meilleur des films du réalisateur. Avec l’improbable Bambola (1996), le cinéma casse-gueule de Bigas Luna avait nettement perdu de son intérêt (déjà contestable), s’attachant à des récits exsangues, à des personnages charnus mais transparents. Peut-être conscient de l’impasse qui le menaçait, l’auteur catalan inaugurait avec La Femme de chambre du Titanic (1997) un nouveau cycle de films, en costumes, aux moyens conséquents et à l’ambiance plus raffinée, sans que les enjeux proposés nous paraissent toutefois très excitants. Second volet de cette série que l’on espère succincte, Volavérunt prend appui sur des faits historiques, ancrant sa narration au début du XIXe siècle et au sein de la noblesse espagnole.

Fasciné par le mystère lié au tableau de Goya, La Maja Desnuda, nu féminin qui aurait été peint à partir de corps différents, Bigas Luna retrace la destinée mystérieuse de son modèle officiel, la duchesse de Alba, maîtresse de nombreux aristocrates, empoisonnée à l’âge de quarante ans. Sorte de Cluedo vaguement esthète, Volavérunt s’amuse à brouiller les pistes et les temporalités, semant les indices avant que l’enquête ne s’achève dans l’indifférence générale. Mais bien que l’on se foute royalement de l’identité de cet assassin, le film de Bigas Luna échappe bizarrement à son destin de croûte soporifique. Continuellement soft, l’œuvre exerce un certain attrait par sa langueur même. Car Volavérunt, c’est le crime et l’absence de suspense, le sexe dénué d’érotisme, alors que le cinéaste cherche manifestement à créer un spectacle des plus intenses. Ainsi, l’ensemble charme par ses échecs consécutifs, ses velléités de magnificence qui ne parviennent à engendrer qu’un ersatz de fresque romanesque. Film raté, mais feuilleton ambitieux et chamarré, l’exercice s’avère plutôt divertissant. Bigas Luna en espérait certainement davantage ; quant à nous, nous n’en demandions pas tant.